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Inside & Somewhere Else

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From Inside...journaux de création

Louba-Christina Michel

nelson mederik

Réflexions sur la beauté   

Le regard de mon père 

 

Mon endroit préféré 

Il existe dans le monde, mon endroit préféré. Un espace immense, presque infini si on le fait à pieds – c’est cette descente sur la 132 à Cap d’espoir – juste après être passée devant le Marché Nicolas. 

Sur le bord de la route, côté mer, on retrouve quelques maisons colorées et derrière ces maisons, se tient l’île Bonaventure, étendue là et devant nous, les montagnes de Percé présentées comme d’immenses femmes aux bras ouverts. 

Il y a aussi la mer, son horizon et le ciel – surtout le ciel lilas de certaines soirées estivales. 

Chaque fois que je passe par là, mon cœur s’excite, mon sang court dans mon corps et je ne peux plus taire mes « c’est beau, c’est tellement beau, c’est fou ». Imaginez quand se déploie un grand ballet de fous de Bassan près de la grève. 

 

J’ai peut-être quitté les lieux, mais je sais que l’endroit ne s’effacera pas de sitôt ; il continue d’habiter mon imaginaire et mon cœur. 

 

En continuant notre route, nous roulons devant l’ancienne église anglicane, transformée depuis peu en micro-distillerie par une horde de merveilleuses personnes. Chaque fois que je passe devant, je les salue à haute voix, même si je ne vois personne. C’est ainsi qu’on fonctionne, par chez nous ! Puis, je croise cette vieille maison. L’ancienne maison d’Alcide, avec son champ extraordinaire et tous les souvenirs que l’on s’est bâtis au fil des mois, avec nos grandes peines, nos joies, nos angoisses, nos colères, nos expériences et nos folies, mais surtout ces espaces de rêves, les feux de camp et les étoiles filantes à la pelletée pour faire le plus de vœux possibles, et les pannes de courant l’hiver, dans les journées de tempêtes marines. 


À quelques mètres de là, la Vieille Usine de l’Anse-à-Beaufils et toute une vie à se tracer des amitiés, à tisser des liens et à entrer tête première dans la culture. 

On passe devant la maison-galerie d’art de Denis Loiselle. Maison-âme, où j’ai dansé, peint, inventé, philosophé et ri pour me remplir le cœur de souvenirs. 

Le voyage ne s’arrête pas là, je revois mes différents chez moi, mes lignes de vie, les courbes, les retranchements, les rencontres, les milliers de promenades en solitaire ou accompagnée, les bords de plage jamais pareils, le soleil, la lune, les parfums de varech, les rituels, les drames et les inspirations. 

 

*

 

Dès l’enfance, j’affute mon œil sur le beau, le texturé, le sensible, le différent. Premier souvenir raconté : à peine quelques mois, accompagnée par Benji, cette exceptionnelle chienne, je grimpe la montagne derrière la maison, avec ma gourmandise de fillette, pour m’asseoir dans le carré de fraisiers et déguster les petits fruits rouges cueillis avec le bout de mes doigts potelés. Mes yeux ferment quand je suis contente. Je vis ma vie avec tout ce qu’il y a de beau, de bon, de savoureux, de drôle et de surprenant. La nature n’a encore rien de tragique, elle goûte bon, elle sent bon, elle est belle et Benji, en véritable gardienne, veille sur moi. 

Je vis entre les arbres, je lèche les roches pour leur goût de terre et je n’aime rien autant que l’odeur de humus. Ce parfum me réconforte, comme si j’y trouvais l’essence de la vie. Je vis dans les feuilles d’automne et les arbres sont mes maisons, mes amis, mes amoureux. Déjà, dans leur écorce, je cherche le visage de l’amour doux, pur, jumeau. Je veux être lue sans dire, être regardée, être admirée pour mon besoin de vivre autrement. 

Je ne savais pas encore à ce moment-là – faute de recul – traversée d’émotions – germe de femme artiste – à l’ombre de la violence – que toute ma vie, je chercherais à l’extérieur de moi ce regard posé et que la nature serait ma gardienne, mon nid, ces bras pour me consoler. Je ne savais pas que ce regard sur moi, il allait falloir le construire de l’intérieur au fil des ans. 10 ans, 20 ans, 32 ans. 

Il existe dans le monde, mon endroit préféré. Chaque fois que je le croise, le temps s’enfuit et s’ouvre en même temps sur l’infini. 

 

*

 

La beauté du paysage agit comme l’amour. En fait, voilà de l’amour à son tout premier état – l’amour dans le regard posé sur le merveilleux – comme lorsque des yeux se lisent, comme lorsqu’un champ s’ouvre par les fleurs, comme dans le geste de vivre de petits comme de grands événements avec le cœur comme témoin. 

Avec mon père au volant, côté vitre et cigarette à la main, puis ma mère sur le siège du passager : ma mère et moi extasiées devant la beauté renouvelée du lieu. Et mon père de répondre : « Arrêtez-vous, c’est ben juste des nuages ». 

Longtemps, j’ai pris pari de lui expliquer le beau

par nécessité égocentrique d’être comprise

reconnue. 

 

*

 

Mon père est un homme solitaire, de peu de mots, à tendance colérique et contemplative. 

Qu’observe-t-il par la fenêtre, toutes ces heures durant ? 

S’il est tombé amoureux d’une femme artiste, c’est peut-être l’enseignante qu’il a toujours voulu percevoir chez ma mère, sa stabilité. 

Il aura fallu attendre ce jour de tempête en 2009 (quelque part dans ces eaux-là), pour que les choses changent. 

 

Période des fêtes, j’avais quitté Sherbrooke (j’y habitais pour les études) pour les vacances. J’occupais l’atelier de ma mère, je peignais un tableau : deux maisons amoureuses dans la tempête, en rouge, bleu, blanc et noir. Un immense tableau (comparativement à ce que j’avais l’habitude de faire). 

Si toute ma vie, jusque-là, j’avais espéré ce regard de mon père sur moi, je n’avais jamais pensé que ce moment allait changer bien des choses. 

Alors que je peignais dans l’atelier, mon père est descendu au sous-sol pour rajouter du bois dans le poêle. Souvent, en passant, il me salue, souvent il remonte en haut sans un mot. 

Cette fois-là, il a ouvert la porte vitrée de l’atelier et il s’est dirigé vers moi pour me regarder peindre. Il m’a dit « c’est beau ce que tu fais ».


C’est, à ma connaissance, la première fois qu’il portait une réelle attention à ce qui a de l’importance pour moi, le vrai visage de mon univers intérieur. Il me regardait pour moi, sans m’habiller de visages et de peaux qu’il m’inventait. Il ne voyait, avant cela, qu’une projection de ses propres histoires. J’avais tant cherché à lui montrer qui j’étais. 

Il est ressorti de l’atelier. Quelque chose venait de changer, chez lui, comme chez moi. 

Peu de temps après, il a offert à ma mère de poser sur les murs de la maison ses tableaux qui, jusque-là, gisaient dans l’atelier les uns contre les autres, des dizaines et des dizaines de tableaux cachés, en attente de quelque chose, comme d’être partagés. À elle, par contre, il ne faisait aucun commentaire sur les tableaux. Mais à l’extérieur, il parlait d’eux et de la peinture de sa femme comme quelque chose qui se valait. 

Que s’était-il passé en lui quand il m’avait vu peindre ? Qu’avait-il compris ? À quoi comparait-il la beauté de nos travaux ? 

Je présume que face à nous, s’il ne disait rien, c’était par peur de paraître ridicule, s’il ne savait pas parler, commenter, s’exprimer sur ce qu’il voyait. S’il ne comprenait pas l’art. S’il paraissait ne rien comprendre face à nous, qui avions étudié le domaine, face à nous qui consommions l’art, qui fabriquions l’art. 

Peut-être n’avait-il jamais entendu notre discours, selon lequel il y a art pour art et il y a art pour théorie. 

Peut-être.

Mais qu’est-ce que cela lui disait de plus ? 

Art pour art. 

Art pour théorie. 

 

Pour maman et moi, l’art c’est pour tout le monde. Tout le monde peut créer l’art, tout le monde peut apprécier l’art. Oui, ensuite vient le talent ? Les codes ? Les connaissances ? L’intuition ?  

Mais tout le monde est capable de ressentir, enfin, selon elle, selon lui, selon toi, selon moi, selon « je », dans le creux du ventre, selon ce lieu sans mot, ce lieu d’autres langages. 

Tu peux tomber amoureux, tu peux regarder l’art. 

Tu peux haïr, tu peux regarder l’art. 

Tu peux ressentir des nausées, tu peux regarder l’art. 

Tu peux ressentir le désir, tu peux regarder l’art. 

Tu peux être surpris, tu peux regarder l’art. 

Tu peux regarder l’art, recevoir, ou ne pas recevoir l’art. 

 

L’œuvre n’est-il pas, après l’interprétation de la vision de son auteur à une époque donnée, l’objet-miroir de celui ou de celle qui est face à l’œuvre ? 

 

*

 

Visite de l’exposition Miro à Majorque. Un esprit libre présentée au Musée national des beaux-arts du Québec à Québec du 30 mai au 8 septembre 2019

 

Le 31 août dernier, j’ai quitté Montréal à l’aube pour me rendre à Québec où mes parents étaient de passage pour quelques jours. J’allais passer la journée avec eux. Notre point de rencontre : le Musée national des beaux-arts du Québec pour voir l’exposition consacrée à Joan Miro, Miro à Majorque. Un esprit libre. Depuis petite, je sais que Miro est l’un des artistes préférés de maman. 

J’arrive à l’heure devant l’ancienne façade du musée. J’ai un livre avec moi, un muffin, la fraîcheur de l’air et le soleil qui s’écrase sans chaleur sur moi. Je me sens bien. Il y a longtemps que je n’ai pas vu mes parents, quelques mois. C’est loin, la Gaspésie, quand on habite Montréal et qu’on est occupée par le travail, la création, la vie. J’attends, j’attends, j’ai froid. Je fais le tour des sculptures déposées sur le parterre. Je vois finalement une voiture rouge se frayer une route vers une place de stationnement. De loin, je reconnais d’abord mon père sortant de la voiture, puis ma mère. Ils vieillissent. C’est spécial de les reconnaître, à leur posture, leurs gestes, leurs couleurs, mais ce sont bien eux. Avec leurs odeurs, leur voix, leur rire, leur présence. Nos retrouvailles sont douces, ça me rassure. Je suis déjà curieuse de voir papa devant le musée. Nous sommes un peu en avance pour l’ouverture des lieux, et nous avons du mal avec le parcomètre. 

 

*

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Nous sommes devant le musée, je photographie mes parents avec le nom Miro qui trône à l’entrée du pavillon Pierre Lassonde. Mon père, je le sens à la fois calme et agité, me répète que « la petite », ma nièce, est capable de « faire ça », en parlant des œuvres de Miro. Je sens qu’il tente d’adoucir sa crainte de ne pas savoir comment réagir face aux œuvres que nous nous apprêtons à voir. 

(Je tiens à préciser, qu’avec ce texte, je ne tente pas de rabaisser mon père, c’est plutôt le contraire, je tente plutôt de comprendre quelle ligne me porte vers l’art et quelle ligne l’en éloigne (j’ai tenté déjà plusieurs pistes de pensées, je poursuis, tente de résoudre l’énigme de cet homme avec lequel j’ai vécu). Je sais que mon père sait reconnaître le beau, dans ce qu’il connaît. Et j’en ai justement eu la preuve au cours de cette journée.)

À l’intérieur du musée, on se dirigeait vers la file de la billetterie pour acheter nos billets. 

« C’est trop cher », qu’il disait. 



À tous instant, je me disais qu’il allait reculer, qu’il sortirait nous attendre à l’extérieur, le temps qu’on visite, maman et moi, l’exposition, mais il a payé son billet. On a visité la boutique, j’avais besoin d’un carnet, en cas où des mots monteraient devant les œuvres. 

Puis, est arrivé le moment d’entrer, de tirer ou de pousser les grandes portes vitrées qui nous donneraient accès à Miro. Un grand texte pour raconter le sujet : la vie de Miro, nouvelle phase de sa création, très tardive dans sa vie d’artiste, à Majorque, en Méditerranée.

(Je fragmente pour faire tenir les liens entre eux, pour observer et sentir sous divers angles le moment.)

Il répète : « Alexina (ma nièce, sa petite fille de 3 ans et demi) est capable de faire ça ».

Il tourne au ridicule, se sent inconfortable. « Je ne vais pas lire tous ces textes-là certain ».


On a tiré ou poussé une nouvelle porte pour être enfin en contact avec les œuvres de l’artiste. Moi, dans un musée qui me laisse guider par l’intuition et qui cherche, cherche, cherche la sensation la plus vive, je m’éloigne rapidement de mon père et de ma mère. Reste qu’en arrière plan, dans ma tête, il y a la présence de mon père et la sensibilité de ma mère face aux œuvres de son artiste chéri. 

En quelques secondes, je comprends l’étendue, je comprends l’angle de l’exposition. Dans le titre, s’il est mentionné Un esprit libre, ce n’est pas pour jouer. Premier tableau choc, une œuvre ancienne en façade et derrière, une œuvre plus récente, du moment où il a révolutionné son propre langage artistique pour devenir ce que l’on connaît de lui. Deuxième tableau choc, une œuvre récupérée d’on ne sait qui, dans une brocante quelconque, avec les traces larges du langage de Miro dessus, un paysage transformé par une gestuelle vive et colorée. Je cherche maman de l’œil. Je la vois, le cœur gros et sans mot devant le spectacle étalé sous ses yeux. Son Miro. J’aurais cru d’elle qu’elle se serait exclamée, mais non, ma mère me surprendra toujours ! Mon père aussi, d’ailleurs. 




Je me tourne vers mon père, totalement désemparé en ce lieu. Ça se voit à son agitation. Il ne comprend rien, ne sait pas quoi regarder, ne sait pas comment se tenir, ni agir. Je le regarde. Je lui montre une sculpture où l’on devine un sexe masculin, pour le détendre, le faire rire… Il ne réagit pas. Je lui dis qu’il ne faut pas chercher, il faut juste regarder, c’est comme regarder dehors par la fenêtre. 


Je poursuis la visite sans eux un moment. Je me retrouve devant un ensemble d’œuvres d’inspirations primitives. Je poursuis vers des collages. De sublimes collages. 

Maman et moi, nous nous rattrapons pour nous dire à quel point c’est beau – faute d’autres mots peut-être – fortes de nos émotions vives et abstraites. Je lui demande où est papa, elle me dit, sans grande surprise, qu’il est sorti dehors.


Il aura au moins fait l’effort d’entrer. Je sais que maman est légèrement bousculée par le départ de papa de l’exposition. Elle voulait partager avec lui cet espace-temps avec son peintre préféré, elle voulait faire vivre avec lui cette femme artiste qui l’habite depuis toujours. Elle voulait porter avec lui son véritable visage, ou l’un de ses plus touchants masques. Je sais aussi que si papa est entré dans ce musée et s’il a payé son billet, s’il a franchi les portes de l’exposition, c’est par amour pour maman. S’il y a bien quelque chose dont je suis certaine qu’il est certain, c’est de son amour pour ma mère. 


Nous poursuivons notre visite un temps ensemble. Assise devant un documentaire projeté sur le mur, racontant l’époque où tout à basculé pour Miro, celle où enfin, son rêve s’est réalisé, celui d’avoir son grand atelier, où il pourrait voir, contempler et observer son travail avec recul et intensité. C’est après ça que j’ai perdu de vue ma mère. Où était-elle donc passée ? 

Je l’ai retrouvée quelques tableaux plus loin. Elle était allée voir pour mon père dehors. Pour tenter de le convaincre d’être là pour partager avec elle l’instant. J’ai tenté de lui parler, de la rassurer en lui disant qu’il s’agissait de son choix à lui de ne pas être avec nous, qu’elle ne devait pas gâcher sa visite pour autant. Seulement, c’est triste que papa ne saisisse pas qu’il peut regarder l’art comme il regarde le ciel, le paysage, et les voitures défiler devant ses yeux lorsqu’il contemple le monde de la fenêtre de la maison. Que c’est pareil, seulement, c’est l’interprétation du monde par Miro, son ciel, ses paysages, ses voitures, le monde qui défile devant ses yeux, transformé par ses sensations, ses émotions, sa nécessité à prendre part au monde, à le nommer par son langage propre. Elle me dit « tu aurais dû lui dire ça ».

Mais j’ai lâché prise. Je lâche prise.

Avec lui, je lâche prise sur tant et tant d’angles. De toute façon, s’il en avait une à écouter, ce serait elle et il choisit de n’être pas là. Nous poursuivons notre visite, parfois en se rejoignant devant une œuvre pour partager nos émotions. 


Je la convainc de venir voir Flux de David Altmejd, une installation spectaculaire, intelligente, que je ne manque jamais de revoir, après être passée devant l’une de nos œuvres préférées : Hommage à Rosa Luxembourg de Jean-Paul Riopelle, dont nous devons faire le deuil depuis qu’elle a été placée dans ce couloir, derrière des vitres … 

 

*

 

Dehors, nous retrouvons papa sur un banc, posé, observateur du monde. Les voitures passent sur la rue, les gens courent dans le parc. « Celui-ci est passé trois fois. Celle-là fait son yoga en public. Cet homme n’est pas frileux. J’ai rencontré un couple qui allait voir l’exposition, de mon âge. La femme m’a dit que c’était comme regarder les arbres… ». 

Maman et moi, nous nous asseyons à ses côtés, on regarde le tableau du monde qui bouge avec lui, l’époque, les couleurs, les textures. Le couple en question, ayant terminé leur visite de l’exposition s’avance vers nous.

« C’est elle votre femme, et ça, c’est votre fille ? ».

« Oui, elle habite à Montréal ».

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« Vous auriez dû venir voir l’exposition !

C’était magnifique ! ».

« Haaaaaa non ! ».

Nous marchons vers la voiture, puis nous allons manger. 

 

Je me demande si ce besoin de contempler le monde ne me vient pas de mon père ? 

Charles Sagalane

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60-1   Prologue

Je convie ici les lecteurs à l'aventure de mes carnets. À partir du soixantième d'entre eux, que je remplis en Inde, je dévoilerai les coulisses de mon écriture à l'invitation de ce blogue. Une mise en narration, pourrait-on dire, de l'amas de notes, réflexions, images, citations et croquis que je recueille au quotidien.

Cette manière plutôt conventionnelle de dresser un journal de création constitue pour moi un exercice nouveau ; elle m'éloigne des territoires que j'explore ordinairement, où cohabitent l'ellipse et la parenthèse, le rendu graphique et les sonorités, l'amalgame des genres et les tonalités poétiques ; elle me rapproche tout autant d'un propos précieux, à savoir d'où me viennent les idées, qui ou quoi nourrit mes projets, et comment se lient en moi l'expérience et l'écriture. Je crois que le public se plaira à suivre pareil journal illustré. Les plus avisés y verront en plus l'exemple de ce qu'un écrivain actuel possède comme recours et moyens de création. Que l'aventure commence!

***

Deux photographies lanceront le voyage en images : le carnet 60, prêt au voyage ; et mon premier Biryani pour vous mettre en appétit.

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60-2   Un voyage avant le voyage

Faire une escale prolongée, de quelques heures ou de quelques jours, dans la cité où votre compagnie aérienne impose le besoin de transiter, peut devenir une expérience délicieuse - un prélude au voyage et parfois même un voyage avant le voyage. C'est ainsi que pour nous rendre en Inde, Virginie et moi, nous avons eu l'heureuse idée de choisir un billet d'avion cumulant deux vols de nuit, le premier de Montréal à Londres, le second de Londres à Mumbai. L'escale londonienne d'une douzaine d'heures nous permettrait de déambuler à loisir sur les bords de la Tamise. Je souhaitais avant tout y visiter une institution qui me fait rêver depuis le temps bienheureux de mes Tout connaître, le British Museum.

Franchi la sécurité, sous une tente de la cour, monté les marches monumentales de l'entrée, nous eûmes accès d'emblée au Musée. Pas de guichet d'accueil, seulement un petit stand qui vendait à deux livres sterling une carte plastifiée des collections. Cette impression de désinvolture dans l'accueil me plut. Je serais tenté de la qualifier d'humblement altière, en regard de l'immense fond contenu en ces murs. Je m'imprégnai de ce moment en vue d'affiner l'une des vingt sections de mon Musée Moi, la toute première, qui s'intitule Direction de l'accueil. Et j'offris quelques lignes à mon carnet.

 

Peinture confectionnée par sept aînées de la nation des Spifinex.

Peinture confectionnée par sept aînées de la nation des Spifinex.

Pour avoir vécu l'expérience du Louvre et celle de l'Ermitage, je savais qu'une demi-journée en de tels lieux n'est guère plus qu'un premier survol où il faut viser l'impression et la magie plutôt que le déchiffrement exhaustif des sections, voire des œuvres. Sans trop nous attarder, Virginie et moi suivîmes notre interêt. Les sarcophages égyptiens, par leur nombre, leur variété et leur richesse, enjoignaient le respect et la fascination. Ils encryptaient une ritualisation aussi insondable que l'humain lui-même. Comme si la mort de ces sapiens était le tremplin vers un ailleurs difficilement prévisible et sans retour, inflexible avec ses règles et ses besoins. Voyage ultime pour lequel pharaons et grands prêtres prenaient la route dans des bandages de toile, une coquille de bois et une grande pièce souterraine. Je pris quelques notes destinées à 92tulipes pour un vivant, projet lié au deuil à faire de mes proches défunts.

Nous nous arrêtames un instant devant une momie de chat particulièrement évocatrice. Sa taille à elle seule rappelait la vie de l'animal, tandis que le soin mis à reproduire le masque du félin attestait ses attributs divins. Pour nous qui venions d'abandonner nos trois chats à la protection de l'abri chauffé que je leur ai construit, et aux bons soins de l'ami Diégo, sa simplicité nous toucha, quoique je n'écrivis rien dans mon carnet.

Entre toutes les œuvres vues cet après-midi-là, c'est celles du petit hall consacré aux cultures autochtones qui captivèrent mon attention. Je circulai longtemps d'une vitrine à l'autre, marquant la puissante originalité qui caractérise les premiers habitants d'Océanie, des Amériques et des coins les plus vierges du globe. En chacune de ces cultures, singulières, circulait la même énergie où l'art, la nature, la spiritualité et la médecine se confondent. Je pris quelques photos de textes et de clichés anciens portant sur les chamanes ; ils pourraient me servir à des projets plus embryonnaires, le 37, une confession de mes illuminations, et le 56, pièce de théâtre autour de Pierre-Esprit Radisson. Je regrettai de n'avoir pas le temps d'écrire in situ devant une couverture peinte par sept femmes aînées de la nation des Spinifex illustrant les routes ancestrales de leur territoire et la mythologie y étant liée. 

Dans la même vitrine, je pris également des photos de masques. Depuis mes tout premiers voyages, ce prisme du visage humain me fascine. J'ai rapporté des masques de l'État de Zacatecas, au Mexique, et on m'en a offert du Tchad et de l'Indonésie. Mais c'étaient des œuvres de commerce, sans l'anima qu'insufflent les danseurs, batteurs de tambour et participants de rituel. Dans de nombreux musées, devant d'incroyables masques africains, nord-américains ou asiatiques, soutirés à une tradition vivante, pleinement vibrante, j'ai écrit de longues heures. Mais ici, le temps qui m'était imparti ne convenait pas à l'exercice.

En ce samedi du British Museum, j'ai donc retenu pour plus tard le masque qui me paraissait le plus attirant. Grâce aux clichés de la notice et de l'objet, j'y reviendrais les soirs suivants. Confectionné par un artiste Mabuag, du Queensland australien, le masque en question datait des années 1880. Il avait servi à des cérémonies de danse. Cet étrange composite de carapace de tortue, de bois, de plumes de cassoware, de coquillages et de noix figurait un requin à la gueule dentelée et à l'aileron ondoyant. Surmonté de deux poissons, aussi effilés que les nageoires de sa queue, le masque donnait l'impression de percer l'invisible. Dans son noir d'ébène, cerné de rares traits blanc crème, il ne craignait pas d'affronter l'obscurité des profondeurs. Les impressions notées les soirs suivants serviraient à 76 salon des masques, un dialogue où le gardien de sécurité du Musée Moi, d'un franc parler, se charge de la visite des masques de ma collection - c'est-à-dire tous ceux que contiennent mes carnets.

 

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Car c'est l'avantage indéniable du Musée Moi sur les établissements que j'arrive à  visiter : il n'a pas à matérialiser ses collections pour exister ; ni à courir les folles enchères pour se concrétiser. Un carnet, un crayon, parfois un billet d'avion, suffisent à compulser un inestimable butin, que j'amalgame patiemment à mes possessions du quotidien.

***

Les photographies ci-jointes témoigneront des éléments recueillis au British Museum : le lien entre l'écriture et la gravure sur une stèle assyrienne ; la peinture confectionnée par sept aînées de la nation des Spifinex.

 

60-3. Un musée dans le Musée

Dans cette vénérable et accessible institution qu'est le British Museum, la bibliothèque du Roi fut notre lieu favori. Construite en 1827 pour abriter le legs du Roi Georges III, cette galerie était la plus vieille des lieux. On aurait dit une sorte de proto-Musée, voire de musée dans le Musée. L'immense pièce, au plafond élevé, révélait un clair plancher de bois assorti de losanges foncés. Ici et là étaient disposés présentoirs et statues antiques. L'ambiance y demeurait aérée, détendue, et j'aurais bien imaginé y passer la journée entière dans un confortable fauteuil. 

Au cœur d'étagères vitrées de belle hauteur, surmontées de grandes fenêtres, les sections de livres anciens alternaient avec les regroupements thématiques d'objets. Le tout répondait parfaitement à la définition de cabinet de curiosités. Je me plus à détailler la collection de marbres d'Henri Tolley, utilisée à des fins de référence pour étudier les sculptures grecques et romaines classiques. La beauté de ces coupes lustrées évoquait le charme des échantillons de granit dont se servent les fabricants de comptoir de ma région. Je me rappelai le bonheur d'écrire en contemplant de telles surfaces granitiques, comme le faisait Mi Fou ou Roger Caillois auprès des raretés minérales qu'ils chérissaient. Je pris une petite note en vue de procéder à des écritures inspirées de pierre au cours du long périple de ma Bibliothèque de survie qui devrait m'occuper dans les deux prochaines années - slague pour Sudbury, granit de Saint-Gédéon, et une pierre emblématique de l'Acadie. Il y avait aussi à faire, me dis-je, avec ma modeste collection de sable en fiole rapportée de Zagora, Koh Chang, Okinawa et autres destinations exotiques. Les lier à une histoire? une contemplation écrite ? une partie du Musée Moi? Nous verrons bien.

Parmi les livres offerts au Musée par le Roi, on dénombrait des ouvrages académiques et techniques, des atlas et des récits de voyage, de grands classiques antiques et européens - en latin, en anglais et même plusieurs titres en français. Je sortis mon carnet virtuel - le cellulaire - pour archiver la couverture écarlate à la tranche dorée des œuvres complètes de Victor Hugo et le volume finement ouvragé des tragédies d'Euripide. En écrivant ces lignes, je m'en veux de n'avoir pas gardé en souvenir l'image des magnifiques Atlas larges de six pouces, et hauts de deux pieds, devant lesquels nous nous étions émerveillés, Virginie et moi. Sagement, je réussis à me convaincre que les Musées se constituent surtout de l'immense fond obscur de leur entrepôt - à savoir, en ce qui me concerne, les pouvoirs de la mémoire et la force de l'inconscient.

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Je terminerai en évoquant un moment essentiel de notre passage au Musée. Rompu par la courte nuit à survoler l'Atlantique, et les pérégrinations de la journée, nous sommes parvenus à trouver place sur un banc de la cour intérieure. Cet espace paisible, et son damier de ciel lumineux, nous appelèrent de leurs souhaits. Réalisant que nous pouvions nous adosser à ce qui était naguère la façade extérieure de l'édifice, nous fîmes ce que peu de visiteurs auront accompli pendant leur séjour en ces murs vénérables : nous dormîmes au British Museum.

***

Ces photographies compléteront celles consacrées au British Museum : une édition des œuvres d'Euripide ; le ciel en damier de la cour intérieure.

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60-4. Un carnet sur l'Inde, encore?

Je me retrouve rarement sur des pistes reprises. J'hésite à poser mes valises auprès de splendeurs apprivoisées. Il y a tant à voir! Certains pays - qui ont pour la plupart l'ampleur de continents - échappent à cette règle. Mes carnets s'y plaisent, ils y prospèrent à vue d'œil et en reviennent toujours le ventre plein. L'Inde fait partie de ces contrées-là.

En 2005, j'abordais le sous-continent indien pour la première fois, assailli par ses misères, subjugué par ses merveilles. Mon vingt-neuvième carnet s'était rempli de parfums exotiques, de rencontres et de rangolis que j'avais distillés en une huile essentielle : mon premier recueil, 29 carnet des Indes, qui deviendrait le troisième titre au catalogue d'une toute jeune maison d'édition, la Peuplade. La femme dont il était question dans ces poèmes ne partagerait plus seulement mes balades en scooter sur les routes de Goa. Elle allait venir habiter avec moi au Lac St-Jean.

Puis nous allions renouer avec l'Inde du Nord en 2008, avant qu'elle ne démarre une école de yoga à Alma. C'est dire si, pour Virginie comme pour moi, repasser en territoire connu permettra d'apprécier la distance parcourue. Voilà pourquoi j'ai accepté l'offre de ce blogue littéraire, moi qui ne tiens d'ordinaire aucun journal ni compte-rendu de voyage. 

Depuis plus de vingt ans déjà, mes carnets se remplissent seuls de notes et il n'en tient qu'à moi d'y piger à loisir. Comment cela fonctionne-t-il précisément ? Serais-je capable d'en témoigner à qui voudrait étudier la naissance et le développement organique de mes idées ? En ai-je moi-même conscience ? Il me fallait répondre à de telles questions. Et ce journal créatif allait m'y aider. 

Je sentais qu'il s'agissait aussi d'un défi de création. Je devrais renverser ma manière littéraire comme un gant : lier tout autrement les bribes de mon carnet ; viser non une succession d'impressions poétiques, mais un enchainement de réflexions créatives ; ne plus faire converger expériences et sensations vers un seul recueil, mais témoigner de l'avancée des œuvres en cours ; bref, sillonner le même territoire - indien et d'écriture - d'une manière inédite. 

Si j'y arrivais, je mettrais les pieds où les lecteurs et moi ne sommes jamais allés : à la rencontre factuelle de ma démarche elle-même. 

***

Les photographies représentent : le premier jet d'une partie de ce texte dans mon carnet 60 ; l'arrêt-stop d'un passage à niveau de Margao, où hindi, konkani et anglais cohabitent.

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60-5.  Du séjour littéraire

Faire sa valise littéraire est un art qu'on finit par maîtriser d'instinct. De mauvais livres en soute comme dans le bagage à main et le séjour manquera de saveur. Certains voyageurs songent longtemps aux vêtements et effets personnels qu'ils prendront avec eux. Dans mon cas, je mets une attention particulière aux œuvres qui m'accompagnent. Elles se doivent d'être substantielles de contenu et légère en poids, riche de style et inspirante de forme. Je les puise le plus souvent parmi les monuments littéraires et les classiques. À ces œuvres la délicate tâche de lier la culture d'accueil aux préoccupations esthétiques de mes projets. Où en serions-nous, ma soixantaine de carnets et moi, sans l'apport de ces ouvrages d'inspiration et de réflexion? 

 

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Depuis mon périple au Maroc en 1999, chaque voyage a son thème. Je séjourne dans un pays pour incarner ses traditions littéraires, les traduire en odeurs, paysages, rencontres et souvenirs. Les cinquante-neuf carnets qui m'attendent à la maison se rappellent de la parole des griots aux portes du Sahara ; et des intrigues de l'Inca Garci de la Vega s'élevant dans la vallée de Cuzco ;  et de la verve lumineuse de Pouchkine quand on le lit les bords de la Neva, pendant les nuits blanches ; et de la prose d'Okakura sous les cerisiers en fleurs du Kenroku-en. Autant de destinations, autant de façons d'enrichir l'objet littéraire : son contexte et ses modes d'être, son potentiel rythmique et sa valeur symbolique, ses leçons de sagesse et ses prétentions politiques.

La semaine avant de prendre la route de l'Inde, j'en étais encore à empiler les bouquins, soupeser leur poids autant que leur valeur. Allais-je emporter l'Enfer de Dante ou les chansons mystiques de Kâbir? La rage de Louis Hamelin ou le Musée de l'Innocence de Pamuk? les Œuvres poétiques de Pessoa ou La fin de la souffrance de Pankraj Mishra? Le plus difficile était d'établir une thématique cohérente entre les ouvrages pressentis. Quels volumes connaîtraient le bonheur des chaises longues de bord de mer, des innombrables tables de café et des banquettes de train? Je reprends la question : quels volumes me feraient connaître le bonheur sur les chaises longues de bord de mer, attablé dans les innombrables cafés et au cours des longs voyages en train?

C'est là que commence l'histoire nous menant à ma première lecture du moment.

***

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Les photographies représentent : un cliché pris le jour de notre arrivée, à la Porte de l'Inde, où figurent Zeenat Nagree, Virginie Chabot, l'auteur et Frédérick Lavoie ; une vue des rues avoisinant le Marché Crawford.

 

60-6.  La lecture du moment

Au moment du départ, fin novembre, c'était la dernière chance pour le Musée de l'Innocence. Depuis le printemps, ce costaud roman de 800 pages étalait sa large tranche sur la tablette de ma bibliothèque réservée aux derniers achats. Je me l'avais procuré sur le conseil d'un ami, chose que je fais rarement - soit mes lectures inactuelles rebutent mes amis lecteurs à se risquer d'une suggestion, soit leurs coups de cœur littéraires trouvent peu d'écho auprès de mes envies éclectiques.  

Toujours est-il que le livre, arrivé sur ma tablette au temps des pissenlits, avait perdu de son attrait. Chaque jour, le peloton des nouveaux arrivants le distançait. Un roman, volumineux, qui ne soit pas écrit par un ami de la relève, avait peu de chance de s'envoler en échappée et finir ma lecture du moment. Je suis un lecteur avide, mais je lis peu de romans. À quelques exceptions près, je préfère un recueil de poèmes, la biographie d'artiste qui me fascine, un traité d'histoire ou de géographie, voire une rubrique d'encyclopédie ou du Grand Robert à la lecture d'un roman. Ce qu'il y a de beau dans un tel jugement, c'est que le genre romanesque arrive à être tout cela à la fois. Mais les réussites de Dostoïevski, Perec, Rushdie, Garcia Marquez sont chose rare.

Je me rappelais néanmoins la raison qui m'avait convaincu d'investir en ce pavé des belles lettres. L'histoire y était en lien avec un musée personnel - fait assez rare, quoiqu'un tel lien était sans doute ténu. Je reconnaissais le nom d'Orhan Pamuk, récipiendaire du Nobel de littérature. Mais valait-il la peine de glisser ce demi-kilo de papier dans mes bagages ? En quoi cette œuvre cadrait-elle avec le thème encore flou de mon séjour d'immersion littéraire ? Le roman s'inscrivait dans la réalité turque, et non indienne.

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Je choisis malgré tout le Musée de l'Innocence parmi les quatre volumes qui allaient soutenir mes avancées littéraires au cours de mes six semaines en Inde. Pendant les deux vols, les transits, les jours où se poser à Mumbai, puis le trajet en train nous conduisant à Goa, je comptais lui donner le bénéfice du doute : il aurait cent pages pour me séduire. Après ma lecture totale ou partielle, j'allais le semer sur la route, à Kochi, Madurai ou ailleurs, avec tous les égards que je porte aux livres que je sème - mais de ça, nous reparlerons plus loin.

Les heures passées aux aéroport de Dorval et d'Heathrow rompirent la glace des premières pages, m'habituèrent aux sentences de l'auteur et aux ressorts de l'intrigue. Plonger au cœur d'Istanbul avait son charme. Dans notre petite chambre du quartier du Fort, à Mumbai, me prélassant enfin dans un vrai lit, je pressentis que cette lecture serait bien plus marquante que je ne l'avais estimé. Dans l'ambiance feutrée d'un café de Kala Ghoda, qui valait bien celle d'un meyhane de Beyoglu, la prose de Pamuk déliait certains aspects de la matière littéraire que j'accumulais. Collectionneurs sensibles et compulsifs, nous  étions faits pour nous entendre.

La narration fleuve du Musée de l'Innocence tombait aussi à point nommé. J'en étais arrivé à un besoin de renouvellement dans ma démarche. À la remise de mon manuscrit, quelques jours avant le départ, j'avais senti que le prochain recueil serait non pas une suite lyrique soutenue de dialogues et d'histoires, mais un récit se tramant de poème en poème. La demande que j'avais fait parvenir au Conseil des arts du Canada, conçue en ce sens, avait été positive : la bonne nouvelle, attendue avec impatience depuis deux mois, m'était parvenue la veille du départ - juste à temps pour retourner le formulaire d'acceptation. Et profiter du voyage, le cœur léger.

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Les photographies d'usage représentent ici : la version de poche du Musée de l'Innocence traînant sur le lit de ma chambre à Mumbai ; une des salles du Goa Chitra, petit musée ethnographique créé par Victor Hugo Gomes, portant sur les moyens de transport, les outils agraires et les objets de culte.

 

60-7.   Un compagnon de route.

Au premier soir de notre arrivée à Mumbai, j'avais entamé une bonne centaine de pages du Musée de l'Innocence. Nous avions convenu d'un rendez-vous avec Frédérick Lavoie et son épouse Zeenat Nagree, dans le petit restaurant kéralais jouxtant notre hôtel. Au fil de la conversation, des suggestions et des retrouvailles, je mentionnai à Frédérick que le gros roman dans lequel j'étais plongé allait me plaire. On y trouvait quelques allusions, à même le récit, à un musée lié au narrateur. "Je sais, rétorqua-t-il, c'est moi qui te l'ai suggéré." Je me souvins sur le coup du moment où il m'en avait parlé. C'était devant un stand du Salon du livre de Genève. Toute cette semaine d'avril, nous comptions parmi les écrivains invités pour une rétrospective consacrée au Québec. Nous étions co-chambreurs dans l'appartement occupé par les cinq écrivains de la Peuplade. Une fois rentrés, souvent très tard, grisés des rencontres comme du vin, nous passions encore une heure à rire et discuter dans la noirceur. J'avais suivi sa recommandation et payé en rutilants francs suisses ce roman qui traînait depuis sur ma tablette.

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Ce jour-là, devant le copieux sadhya du Deluxe Hôtel, Frédérick acheva sa recommandation en me déclarant : "Le Musée dont il est question dans le livre existe vraiment. À la fin du bouquin, tu trouveras une carte d'Istanbul où le trouver et l'adresse internet pour t'en donner une idée. Au fil des pages, tu verras, il sera de plus en plus question de la construction du Musée." Cette révélation venait ajouter à l'impression que j'avais injustement négligé l'ouvrage. J'étais presque honteux de songer que j'aurais pu rater une telle rencontre littéraire. Un peu comme le protagoniste du roman, Kemal Bey, qui passe presque à côté de la belle Füsun, créant toute la tension dramatique du roman. J'étais reconnaissant à ma bonne étoile créatrice d'avoir placé sur mon chemin un écrivain contemporain ayant mené de front la création d'une œuvre littéraire et d'un musée y étant consacré. 

Ma lecture redoublant d'ardeur, Virginie se demandait pourquoi mon carnet se remplissait si vite. Je repérais les abondantes mentions du narrateur au Musée réel et prenais grand soin à les retranscrire toutes. Ces citations me permirent de comparer mon usage littéraire avec celui de Pamuk, qui abordait les objets et leur réalité muséale. Le manuscrit que je venais de soumettre à La Peuplade, 96bric-à-brac au bord du lac, portait précisément sur les objets de mon quotidien. Plutôt que de les nouer aux développements d'une intrigue et à la puissante nostalgie d'une époque, je réalisais que mon recueil donnaient aux objets une valeur archétypale. À la façon d'une fable, mon écriture tendait à les personnifier afin de leur offrir un champ d'action. Désormais, je comprenais la portée entière de la remarque d'une amie, Geneviève Bouchard, qui avait consenti à lire mon manuscrit. "Ça fait du bien à ton texte quand tu insères les détails concrets, muséologiques, de certains objets dont tu parles. On sent mieux l'appartenance à une réalité matérielle, plus personnelle, à laquelle ils appartiennent. On peut plus aisément te suivre dans ta proposition esthétique." 

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Dès Mumbai, je sus donc que mon premier livre de voyage serait loin d'être une lecture futile et qu'il poserait les enjeux de mon séjour littéraire. J'avais trouvé un solide compagnon de route créatrice.

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Les photographies représentent : une citation tirée du dernier chapitre du Musée de l'Innocence ; et sa concordance visuelle sur l'une des devantures indiennes pendant ma lecture - la voyant, je me dis que Francisco avait eu son billet du Musée !

 

60-8.  Sassoons Dock Art Project

Comment saisir les opportunités créatives d'un voyage? Être à l'écoute du pays d'accueil. Solliciter les précieuses antennes qu'on y a. Faire confiance à ce que la vie suggère. 

À Mumbai, nous entendîmes quelques fois les mots Sassoons Dock Art Project. Cet événement d'envergure venait d'ouvrir et ne durerait que deux mois. Les bâtiments maritimes du quartier Colaba, en plein cœur de la ville, allaient être restaurés ; auparavant, on avait invité des artistes de calibre international, indiens et étrangers, pour qu'ils investissent les pièces de l'immense entrepôt. Tous les créateurs devaient s'inspirer de cette réalité profonde : un chantier quotidien de transit et d'entreposage du poisson en plein cœur d'une ville de vingt millions d'habitants.

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Quand apparut le portique de Sassoons Dock, je sentis que notre passage y serait mémorable. L'endroit semblait s'extirper de la cohue pour s'ouvrir à la mer. L'agitation des taxis et des rickshaws y cédaient la place aux travailleurs maritimes, habitués des lieux et quelques passants venus là pour l'exposition. On nous pointa du doigt la porte où nous devions nous inscrire pour visiter les trois étages dévolus aux installations artistiques.

Dans la première salle, d'immenses filets de pêche avaient été tendus et remplis de mots communs, insérés à même les mailles. Ce vocabulaire hindi et anglais flottait dans la haute pièce aux murs décrépits. En lisant la notice - joliment placée près d'une moisissure d'un vert vibrant ! - on réalisait que l'œuvre d'Hanif Kumeri, artiste de New Delhi, s'intéressait aux odeurs. On prenait alors la pleine mesure du langage : sa trame et son aptitude à capter les sensations aussi bien que les réminiscences. Les mots Candle, New Shirt, Madurai, Classroom of your first school et Beer breath répandaient non seulement l'idée de leur odeur, mais tendaient à se lier les uns aux autres pour créer un réseau d'associations. Aux effluves de poissons, si prégnants d'ordinaire en ces entrepôts, les visiteurs étaient invités à substituer leurs propres parfums mentaux. J'ai noté dans mon carnet : "Si l'esprit est l'océan, le langage est notre filet." Et j'ai songé que si l'océan s'apparentait à l'œuvre littéraire, le travail quotidien de l'écrivain consistait à perfectionner son filet. 

Au deuxième étage, je fus attiré par l'œuvre de Sajid Wajid Shaikh intitulée The Ugly Truth. L'artiste avait collecté des déchets dans un site d'enfouissement de la ville pour en tirer des visages hétéroclites. Le résultat évoquait les masques d'Art brut que j'aime tant. L'idée n'était pas neuve, mais ces emojis de la post-consommation revendiquaient bien leur pied de nez aux inconscients pollueurs que nous sommes. Insuffler aux objets un tel esprit ludique et satirique me replongea dans 96bric-à-brac au bord du lac. Je réfléchis à certaines pistes pour revoir le manuscrit dont j'avais apporté une version imprimée. Et je demeurai encore un temps devant ce mur coloré. Son énergie aux fioritures enfantines me laissa sur des envies de graffiter des poèmes.

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Des autres salles de Sassoons Dock, je retins pèle-mêle ces idées : utiliser la magie du Blacklite pour l'affichage de poèmes destinés à surprendre le lecteur une fois la nuit tombée; confectionner un photo-roman poétique d'une dizaine de planches ; réaliser une tapisserie littéraire à partir d'un texte, selon des échelles variées - de la lettre à la page - de manière à tirer un motif pictural d'ensemble aussi bien que des révélations de lecture fragmentées. Voilà qui remplit de belles et bonnes pages de mon carnet. Pas mal pour un bout d'après-midi à Mumbai.

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Les photographies représentent : le portrait d'une vendeuse des environs de Sassoons Dock par l'artiste australien Guido Van Helten ; un détail de l'œuvre The Ugly Truth par Sajid Wajid Shaikh ; Shunya, du duo latino-américain Curiot et Romina.

 

60-9.   Galeries d'art de Mumbai

Que Zeenat soit critique d'art et que Frédérick suive avec attention la programmation des galeries de Mumbai nous a procuré de belles pistes à explorer par un lundi ensoleillé. 

Au Mumbai Art Room, se tenait une exposition intitulée Taste of India. L'artiste avait exploré l'utilisation de ce syntagme dans les noms de restaurants provenant de partout sur la planète. La réflexion portait sur l'appropriation culturelle et l'authenticité. À partir de sites touristiques comme Trip Advisor, avaient été recensés les logos d'une cinquantaine d'établissements. Il était  amusant de voir se décliner ce Goût de l'Inde à la mode locale, de Londres et Rome jusqu'à Lima et Green Bay. Cet usage artistique me rappelait le travail de Marc-Antoine Phaneuf, sa façon de jouer du langage et des conventions populaires. J'appréciai l'idée d'assiettes où figuraient les commentaires de clients mécontents. "J'ai eu de la misère à avaler le mouton" affirmait l'une d'elles! Je gardai une brève note :  des assiettes avec une citation de 47atelier des saveurs seraient amusantes à produire pour mon Musée. 

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Dans l'élégant espace du Project 88, Munem Wasif proposait Jomin o Joban - A Taste of the Land. Cet autre Goût, celui du territoire, culminait par une vidéo puissante. En noir et blanc, d'un grain sensible, des images de machineries abandonnées étaient intercalées avec de gros plans - on y identifiait un corps humain, sans aisément en reconnaître les parties présentées. La vidéo finissait par dévoiler un homme maigre et amoindri dans le vaste espace désaffecté d'une usine de textiles. La lenteur et la richesse des images cultivaient une élévation dans le regard. Je me dis que je pourrais peut-être, au cours de mon périple en bibliothèque de survie, capter des plans simples et fascinants des lieux. Un bref commentaire poétique en ferait des courts métrages traduisant l'esprit du projet. Je pensai à Nicolas Lévesque et Josué Bertolino pour me montrer les rudiments du montage. Autre ambitieux projet.

Nous visitâmes également le Chemould Prescott Road où les paravents poétiques de Nilima Sheikh tramaient citations et imagerie éthérée. Je transcrivis dans mon carnet les mots d'Ocean Vuong - dont je manquai de peu une lecture publique en mai, lors de mon passage au Centre Banff. Pour l'heure, cette traduction éclairerait mon chemin : "Ne t'en fais pas. Appelle cela l'horizon, et tu ne l'atteindras jamais."

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***

Les photographies jointes ont été prises dans la dernière galerie dont il est question : le paravent de poèmes de Nilima Sheikh ; et l'une des détails de l'œuvre.

Melsa

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Album intime de mots, d’écrits absurdes sous forme de poème.

Avant de peindre, j’écrivais. Je n’écris plus, mais je me relis, toujours. J’y puise régulièrement mes recherches pour en trouver les titres qui définiront mes tableaux.
J’ai toujours ressenti le besoin viscéral de créer, comme une soif infini. C’est avec la technique de l’écriture spontanée que j’arrivais à me rassasier, à m’inspirer.

C’est mon non stress de la toile blanche. Aucune loi, que de la liberté et de l’évacuation. Avec l’absence de sens, j’y trouve un nouveau sens, une nouvelle direction. Les mots c’est comme de la peinture, ils s’expriment par eux même. J’ai créé ces poèmes pour moi et maintenant, j’ai envi de vous les partager.

 

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Melsa Montagne www.melsamontagne.com

 

 

#2

L'attente en retard

 

Un par dessus l'autre, ils s'emboitent.

Long ou large, dans la tête, s'écrase.

Plier à travers le bruit, la salive frappe et s'enferme.

Sa lumière décolle.

 

De ses doigts électrique, une langue qui s'étouffe,

À l'odeur transparente de l'attente en retard.

L'immédiat arrive, dans le plus près cabanon,

Un trou, par lequel on voit son sourcil métallique.

 

La boîte refermée, ils s'assoient et attend une autre journée.

 

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Poetic Jerry, writer, poet, producer and composer and so much more

nelson mederik

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Jerry Alexandre has dedicated his adult life to writing. As a poet, short story writer, playwright, novelist, composer/lyricist, producer, stage actor, spoken word performer, English teacher, essayist, children book writer, radio commentator, newspaper journalist, political and social activist, he left Montreal to teach English in South Korea in 2006. While in South Korea, Jerry struggled with alcoholism and racism to maintain his sanity. He escaped death quite a few times. Once in the hands of a group of American Soldiers in Seoul, he did his best to protect himself and to avoid being brutally mutilated at a bar. Having been the only civilian amongst a heap of soldiers, someone concluded somehow it was his time to die. So, she got her friends and colleagues to execute her deadly plan.

Discouraged by the hardship of life and abandoned by hope due to the worst form of social exclusion in South Korea, Jerry decided afterward to commit suicide once he realized how alone he was in the world. Also, he was shocked when his cry for help was simply ignored by his own sibling. It was hard then to figure if life had finally been worth living. In addition, he got into a motor bike accident in Thailand that could be fatal. Jerry dealt with chronic depression silently for many years.

After several attempts to go overdose with a few bottles of whisky and some over the counter pills, Alexandre had eventually discovered another path of life. His career in music has become possible after an unexpected collaboration with a Montreal based singer who accepted to record his first single, Keep on smiling.

Music had not simply become another opportunity for him to reintegrate society, but it had also become a source of life, an opportunity to breathe a totally different air in his suffocating world. As a result, Jerry Alexandre, the composer/lyricist and producer returned to Montreal in 2016 to establish his career as an investor in music. At last, Jerry’s horizon is so broad and brilliant that it will require a complete biography to recount all his experiences and ventures around the world, particularly his strength to overcome the worse obstacle in society.      


 

Here some texts...

The Obnoxious


“After twenty years of writing, I believe I can write good stories. It’s not by chance that I’m one of the best in the world. I deserve some credit at least from you, Neglected. Acknowledge the prize winner.”
“Stop rambling, mourning, and crying, my friend.”

“Don’t talk to me like this. I hate your attitude,” John Futile-Blind scoffed. “You complain too much as a child.”

“We have enough of that stupidity in the media and the White House. People are tired of the mockery with no story line. Lies and denial are not made for comedy. deception isn’t any policy to fix the broken system. A thinker isn’t some Hollywood fame seeker,” Neglected settled in his seat to repel the long ride along the road of narcissism.

“Don’t insult me. You don’t know what you’re talking about,” Futile-Blind objected.

“Seriously, you seem ready like most of the morons on television to sell your soul to a clown for fame.”

“I’m already famous and loved, Neglected.”

“Really, I wish I knew that. At the same time, they’re willing to do and say just anything to get attention from the public for a disgraceful position in a clown’s school of thought. They deceive with a solenm stare, though their hands are firmed on the bible and the trigger simultaneously.”

“That’s society, isn’t it?”

“They want to be praised for their nonsense, John.Wake up.”

“I’m up. Does it look like I’m sleeping to you.”

“I can’t tell. Some people sleep walk in society. Ponder upon this situation. These clown followers invite people with no moral authority to comment on the news in order to influence the kind of bigotry that causes hatred to flare among all ethnic groups both in our institutions and the streets. They show no qualm for the mass killings they encourage in the schools, and I doubt this is your cause of life since a part of his mockery, especially the president’s rant, the scandal driven clown administrator, is totally despicable, and I wonder if you also support his position. Anyway, connivance is no leadership skill.”  
“Yeah, I don’t want to speak about politics. Tell me. I want to know.”

“Tell you what, John?”

John Futile-Blind contemplated about what to say. He stared at Neglected. He had no direction to speak in his head. Then, he suddenly decided to change the conversation.

“What do you think about writing?” He inquired. “I’m a damn good author. So, I can speak however I want, Neglected,” John Futile-Blind straightened himself. He flashed his diamond ring to project his grandeur while sitting across from his friend. The low table impeded him from stretching his legs like he was relaxing somewhere on the sand near some beach.

“No doubt! You’re perhaps the best… the perfect model to copy in your category, but I wish you would be a bit more reserved, considerate as you talk to me. I’m not just a layman from nowhere to be talked down to,” Neglected simpered. Then, he cleared his throat. His forehead winkled. He could not conceal his frustration.
“I know. How many prizes have you won? So far, I have three under my belt. I’m a heavy weight fighter in this literary ring. Praise me because of my achievements.”

“It’s hard to praise something without any merit, John.”

“To tell you the truth, you don’t need to be jealous of me. I can show you how to rise to the top,” John picked up his cup and sipped his coffee. In a very extravagant way, he crossed his legs and reached for the magazine which he bought before he came to meet Neglected. He flicked the pages like a gentleman in an old British movie while browsing through the pictures. Literally, as James Bond, he was ready to blow up the café.
“John Futile-Blind, you missed the point. A prize doesn’t mean anything. I guess you’re one of the writers who believe writing doesn’t need to be about something. You simply write for the sake of writing nothing and hope that you can deconstruct our views with nonsense whenever you feel like it. To tell you the truth, I’m tired of that kind of rhetorical boasting and philosophical awkwardness, rather the emptiness in your speech.”
“Oh, yes! That’s why I’m great. I write for the sake of nothing, and I win prizes. I don’t need to be vainglorious about my career. Everyone recognizes my greatness,” Futile-Blind slicked his hair back as if he had a ponytail and ran his fingers forward to straignten the front. He simply needed a mirror to pose as a super model for a few minutes. He felt more than handsome in the chair. Famous and financially comfortable, he was on top of the world.
“Do you know that nothing doesn’t exist, and you’re always writing about something?” Neglected grinded his teeth as he stared at him.
“Yes, I write about nothing. That’s it, and I find no need to do otherwise. I’m naturally great, gifted with the ability to tell stories.” Now, John was rolling around the diamond ring in his pinky finger.
“Again, Futile-Blind, I have no reason to applaud you. There’s nothing to glorify on a blank page.”

“Yours aren’t filled. I can’t understand.”

To Neglected, it seemed like only the clothes and jewelry made Futile-Blind look important. He gazed at him, yet he could not hide the sneer on his face. “To write about nothing, you have to publish blank pages, John. That’s my point,” Neglected looked around the room. Suddenly, he seemed annoyed.
“Neglected, then nobody would read my stories.”
“It’s the contrary. People don’t read my stories since I write about something to force them to think and to properly consider who they are in society. I question and answer the many questions that I hear throughout conversations even here in this café. I take great pride in my work because I give the audience a reason to think about my name. I enjoy what I do.”
“I don’t really have to do the same, Neglected. I just entertain the populace with my stories as the president govens his land. I’m straight forward. There’s no collusion with the literary community.”

“With these unstubtantiated statements, these cruel lies? I hope not. Perhaps you don’t send emails to bribe the committee members. You tell them to eliminate your enemies while you’re on your book tours, you appeal to them indirectly.”

“I do what I must to win, and book sellers... publishers believe that I’m great. They celebrate my presence every time they see me. They long to be in my company,” John Futile-Blind deposited the magazine back on the table and gazed at his friend. The brief silence was a bit disturbing and annoying, and that caused John to look hostile in a very subtle way.

Neglected did not react immediately. He remained unfazed in his seat to absorb his weaknesses through the penetrating look in his eyes. He tried to analyze his thoughts intuitively. At first glance, the stare seemed to have transfixed his composure. John Futile-Blind appeared motionless for a few seconds. Then, Neglected simply glimpsed at his watch to verify the time. Somehow, he reminded himself that he had an appointment with his wife, and he did not wish to be late even by a fraction of a second. Realizing he had some more time to waste in the café, he leaned forward.  
“I know this is what you do. For instance, I hammer my brain with heavy reflections. In return, I am read only by a highly selected group of people, yet I don’t win prizes. Good writings don’t become popular instantly. At times, the author isn’t understood by the mass people immediately. Simply, I have to wait for my own time. I figure people have to read the pages, and they have to think about the lines in order to grasp the significance of my message. I know this is not a small task. This isn’t something you can require of the audience since most people prefer blank pages, something that they can either read while watching Judge Judy or Jerry Springer on the mockery networks,” Neglected in turn grabbed his cup to sip his coffee humbly as he waited with anticipation for the expected answer from John.
“Neglected, I’ve got to have an audience. I write for the sake of writing. It doesn’t have to be about something, I tell you,” John Futile-Blind also picked up his cup with an air of grandiosity to sip his coffee slowly. The whole scene was turned into a beauty show, a pageant contest. He strove in vain to portray himself as an aristocrat in a poor neighborhood coffee shop.
“So, Futile-Blind, you admit that you published blank pages,” Neglected tried not to hide the smirk on his face while looking at his friend.
“Today, prestige isn’t about the impact you make in society. Prestige is about how many prizes you have won, and I have a few,” John Futile-Blind affirmed confidently.
“I understand your point now, and why you write the way you do, Futile-Blind. You help me figure out this reality and understand that any form of intelligence isn’t really appreciated in today’s society. Money, which is a sign of success, doesn’t signify that you’re that competent to lead a generation of thinkers and aspiring philosophers.

“Nowadays, philosophy is for fools. People don’t think. We live in a fast food culture, and writers like everyone else have to adapt to the changes. Socrates would be forgotten a week after his death in this era of social network.”

“The naked imbecile parade on Facebook or the clowns circus on Twitter, they both host countless morons to praise the nonsense.”

“All of them, they keep the world busy. People want their news, literature, and entertainment quick. School is just a part of an established culture. In reality, the institutions of learning are empty. There’s no need to write things people can’t understand, particularly they don’t read that much anymore.”   

“Like the White House, you would put a whole society in disarray and cause the media too to become confused about everything. Fortunately, you’ve yet written scandal on every page that you have so far published. We’re happy to simply put a heap of morons in power. There’s nothing stately about them. It’s hard to treat them as heads of states and intellectuals with the slightest authority to deceive us. It’s simply the financial achievement of the individual that matters. So, you’re really proud of what you have done?” Neglected glanced at the newspaper on the table nearby to remind himself of the most powerful man in the world. The colorful picture portrayed him red as an overripe tomato. Although not constipated, so full of crap, he appeared as if he was about to burst. His politics stunk like a skunk in his fridge.
“Of course, you can view it like that. Look at me. I’m quite comfortable in my skin. My fame and financial success are noticeable wherever I go. This is what happens when you know your audience,” John simpered.
“Then, you mean dunces can win prizes too in that contest.”

“Don’t pretend like you’re losing your head, Neglected.”

“I’m simply trying to figure everything out. The populace is careless about the winner. No one thinks about the quality of the laureate. Someone just bestows prestige and the privlege to feel grand upon whomever seems fit.”

“It’s a lottery for greatness, John.”

“People are chosen from a batch of names.”

“Ah, I get it. This is the honor you seek, John? Don’t get me wrong. I just wonder. You’re an epitome of the president, clown of the century. Look at you, the man of his time.”
“This is the liberalization of the literary community. Everyone has a chance to stand out among the few.”

“I see, John. So, it’s worthless to scribble any deep reflection to educate and to reveal our intelligence to the rest of the world. Whatever we put on paper to cajole the mindless mass that seeks simply to be distracted from the reality of life is acceptable. Then, we should all focus on the need to entertain the multitude. From that crowd, we can find the heap of dunces to claim our greatness. These people are already there to willingly give their approval to whoever can persuade them with gibberish to feel exceptional. I understand you now. I guess you’re a Republican at heart.”
“What do you mean, Neglected?”
“A heavy weight fighter like you is unable to explain the simplicity of a proper right punch… I just don’t get it. You have all these belts in your possession. How did you knock out your opponents to get your belts, Champs? Help me understand you. I’m a bit confused,” Neglected grabbed the magazine by curiosity to peruse the pages again. He pretended to be distracted by the cover picture.

“We’re not destined to achieve everything we want and have been working for. It takes a particular skill to convince the world about your greatness and to influence others’ opinions. More than a whole bunch of words is necessary to persuade the crowd. Lots of people don’t simply follow a clown. You must be a skilled one,” he tried to dismiss Neglected with a simple gesture. He waved with his right hand even before he finished his sentence. “Winners are naturally born to win.”

“Of course, I see what you mean. It matters not even if they cheat to obtain a belt. A win is a win, you mean. Even if the opponent calls Russia on the campaign trail to hack the other’s email as he implored for help, that’s fine with you? I want to hear your opinion.”

“Of course, Neglected, winning is better than losing.”

“Who do you pay to win these prizes? You see. I’m not wealthy, so I won’t win one any time soon.”

“Don’t worry about it. We’re not all here to win everything. I figured that out a long time ago, Neglected.” At once, John loosed up and breathed freer in his chair.

“In the last decade, the prime minister’s office has been treated as the quarter of a dupe. Now, we have a man, oh gosh... Clown!” Neglected shook his head in disbelieve,  “With a penguin hair cut running the office of the presidency of our neighbors. He strives to take part in every nonsense as if he were engaged in some moronic contest to conquer the world. He has already ascended to the highest level of power or office a husckster can occupy in the land. Unfortunately, he is popular for his jokes among the mass. He entertains the blind with his tweets. Perhaps he is cleverer than you, yet you’re a popular thinker with no substantial idea to share. That’s the problem. The debauchery does not simply affect the literary world. Schools are worthless from my viewpoint. Many professors vouched for him. They brought him to power. I guess bigotry is better appreciated than any form of commonsense. Men like Thomas Paine don’t walk the land anymore. It’s time for a Minutemen revolt and not a KKK uprising with Nazi banners, cars ramming into big crowds like terrorists to promulgate their white supremacist ideology. These modern clowns betrayed their flag and country for power. They stand behind a traitor to mask their patriotism. McCain is still the same hero, the exceptional soldier that he always was even in Vietnam. He put country and people in front on the Senate floor to stand on principle. He distinguished himself from the puppet show.”

“He couldn’t do the same in the war.”

“John, I rather lose a war than to be disloyaled to my country. Treason is despicable. He stood out where it mattered most,” Neglected checked his watch.

“Everything is allowed to make the country great again. That’s what those who voted for him want.”   

“Even racism, John, that brings up his approval rating, and you agree with that. Imagine the next decade. We’re moving away from a cowboy culture to embrace a puppet show, an insane clown, a Twitter addict as a head of state. I guess that too is allowed. There’s no constitutional autocracy. We can’t turn the Oval Office into a clown show and Twitter into a circus to implement the principle of mockery. There’s more than mocking people to embody the highest level of governance.”

“Ah, Neglected, you’re just being too harsh. I guess you’re a Hillary supporter.”

“Come with your accusation, incompetent,” Neglected looked solenm. The winkles on his forehead characterized how serious he was. He meant every word.

“Control yourself. I did not come here to get into a verbal duel with you. Keep the assault to yourself,” John striked the same pose with an hair of superiority.   

“Pity! He only sees Nazism as his principle of governance. He has learned nothing from Europe. People walk with no special card even in Germany now. That’s absurd. He thinks with waterboading somehow he was going to rule a concentration camp filled with Muslims instead of a democratic state that forces one to abide by the law, the constitution, Stupid.”
“The man saw the celebration when the Twin Towers were going down, except he can’t prove it since he has no immediate footage of the occurrence.”

“Then, his opinion is invalid, John. He related the tale simply for propaganda purposes.”

“That can happen. Maybe he had no more battery in his cell phone to record the event or the line was just not working properly. WiFi wasn’t available everywhere back then. Twitter would not work. The old phone had no internet connection,” John Futile-Blind, as a Fox News reporter, tried to exonerate the president.

“He didn’t pay the bill, I guess. He went bankrupt quite a few times. Maybe the phone had no data back then.”

“I wish to be that kind of bankrupt, Neglected. It was vacation from the financial market and some rest from the hastle of the world. The rich will never become poor. The government provide them with enough tax cuts to sustain their lifestyle. More people are dying hungry while the stock market is still booming.”

“That can happen even to a billionaire for squandering his money. Look at how many of them went to prison in the last decade. Some were simply con-artists. Think about him. Buying hair products to keep up with a certain style, he lost control of his wallet and composure. I figure where he learned how to fire people. His secretary and accountant deserved it. He looks just like a demagogue, a real life penguin. He speaks and accuses others without the evidence readily available to show the world,” Neglected tried not to laugh. “Anyway, let’s talk about your prizes instead. I hope we don’t experience more than eight years of senseless wars again. Obama just delayed the reign of Eastern Europe and Asia when he rescued the financial sectors. Otherwise, instead of his clothes that are being made in China now and the steel he imports to build his towers, he would be speaking Mandarin proficiently. He already saw the place as the environment for one of his biggest investment projects. Therefore, that would change nothing in his life. It would be his most recognized ally instead of Israel or England.”

“It’s wrong to think that.”

“John, I would be friendlier too where I invest my money. Politics is the game of protecting our own interests, anyway. Accept it, and play it just like him. Look. He did not want to kill the mass with the size of his tax return. Imagine that nonsense. His wealth would shock the world. You can do it also to win more prizes. Just display the beauty of ignorance for the glory of morons and the hilarity of demagogues. Afterwards, you might become qualify to run the prime minister’s office. Think about it. Prime Minister Futile-Blind. The country would love you, too. You simply need to be friendlier to the Russians. That’s your ticket right there.”

“Umm, maybe you have a point. It would not be funny. I have no more time to sit around simply to learn a new language, Neglected. I’m satisfied with my English, although it may not sound all that perfect to most people,” John Futile-Blind pensively reached for his cup of coffee while staring at who was really challenging his intellect. He loved and hated his friend at the same time. “I like coffee,” he murmured as he posed with his back held straight to make the view look picturesque as he sipped from the cup very gently.

“Let’s talk about you. I have no time for politics now,” Neglected suddenly stopped speaking to allow him enough time to savor the black liquid in his mouth.

John Futile-Blind did not like sugar and cream. So, he always drank his coffee black. Instead of the liquid, it was the aroma of the strong but scented beans that attracted him. The odor often pulled him like invisible hands to enter any coffee shop in town. Also, he believed the substance was good for his kernel after he had read about some scientific discovery that explained exactly what coffee does to the heart. Thinking at least even a cup a day was enough to eradicate any heart attack, he made sure to delight in the liquid whenever he had a chance to sit somewhere peacefully to treasure the product. In fact, it did not matter where it came from. He was nonetheless glad to see it in front of him.

“Coffee has good health effects. I read somehow a cup a day is perfect for the heart,” Futile-Blind joyfully took another sip.

Neglected thoughtfully reflected about what he just heard. He imagined John drank coffee for all the wrong reasons. Then, he replied. “Your diet instead of coffee stops you from having a heart attack. Perhaps you read that from some medical magazine. I also heard about that, but I doubt the verity of that reseach. I hope the scientists are right. However, meat is the number one killer. I eat less and less red meat. Anyway, meat in general, it’s not the best thing to preserve my health. Nah... I want to live longer. Plaques are an endless cause of heart attack, Futile-Blind. Meat sends people to lie early in their graves.”

“The whole world would die already. Meat has always been a part of our diet,” John confirmed.

“Remember science was less developed then. Nuts and vegatables are more nutritious. In fact, life’s expectation was shorter. Scientists had no knowledge about that,” Neglected explained the effects of meat to the heart. “You know your life and diet stink when you can smell them in the toilet bowl. Coffee can’t cleanse everything you’re doing wrong.”

“Yeah,” he waved his right hand as a sign to say, “Quiet.” He refused to listen. John Futile-Blind adored his bloody steak. He usually frequented expensive steak restaurants to flaunt his wealth. Then, he savored a cup of coffee for its health substance and cardio benefits. The worse was he did not know that coffee could never erase the nebulous effects of meat in the body. While he assured himself to never become addicted to drinking coffee, he did not fancy to find out more about the beans. Nothing beyond what he had learned in magazines and hearsays was of interest to him. In general, green vegetables would be more beneficial to consume than coffee. At least, he would get all the necessary vitamins the body requires to remain energized and fit health wise. In addition, nuts are a treasure trove. They have more health benefits.

“Chew and swallow until you find yourself six feet under. Or, you can find your proteins elsewhere,” Neglected returned the same look with a more composed posture to challenge him.  

“That pleases more. I like the texture of my steak. Don’t get me wrong. I do eat my vegetables. Steamed broccoli and seafood are a delicacy to me,” he countered and continued to say, “anyway, I’m not here to speak about my diet. I like my prizes. I’ve got them finely displayed in my library. Those prizes represent my genius. I mean by writing about nothing I won them. You understand me well now. You’ve already said it a million times. I guess I did not need to repeat myself once more.” Disconcerted! John Futile-Blind, as he wanted to grab some napkins from the counter, pushed his chair forcefully backward to get up. He strode the floor with superhuman-like gates. There was nothing that distinguished him from Robocop at that moment. It was like Arnold Schwarzegger. “I’ll be back.” Unspoken, it seemed as though those scary words could be read from his lips.

Neglected jumped and raised his head to observe what was happening in front of him. He looked startled as he was taken totally aback by the rattling sound of the chair’s legs. Briskly, he began to look over his shoulders and everywhere else to figure who was just staring at him or John. Because of the hour of day, there were barely anyone else sitting at the few tables that surrounded them. John Futile-Blind almost had all the floor of the coffee shop for himself and his dear friend to enjoy. Except, as Neglected looked around, he observed only a man who seemed to recognize John Futile-Blind since he had perhaps seen his pictures on some book covers at the major bookstores in town gazed at him. He turned around to look back at him while wondering about the individual’s curiosity. The strange stare caught his attention. With baffling eyes and sealed lips, the man never bulged. Neglected assumed he nevertheless wanted to figure certain things about John. He did not seem quite happy. While pondering and trying to read Neglected’s facial expression, he watched each move John made meticulously to express his discontent. John had created a whole scene while reaching to simply grab the napkins from the counter next to the pole, where it was placed against the wall, just a few feet from the steps. As he entered the coffee shop, they had wondered about if there were anyone upstairs. The atmostsphere was really settled. Not even a soul was clearly visible from the entrance door.      

“What’s going on through your mind?” Neglected inquired when he returned to the table.

“Your words explain everything already,” John raised his tone.

“Sometimes, I hate that with you. You always ask me what you never want to know. Tell me the purpose of your question.”

 

 

Really Trump?

Turn on your TV
The circus is back on
The clown is in the Rose Garden

Lying as a thief

The nature of a man

Fake news

The obnoxious clown is proud
Proud to be the absurdity of his time
Backwad nationalist

Flag bearer

With a traitor’s heart

Fake news

The commander who can't honor a soldier
Stirring controversies about the flag,

Yet he longs to rise on history’s pedestal

Signing executive orders to dismantle

His predecessor’s achievements

To value his own empty achievement

Fake news

Is that him?

O The Obnoxious!

The Obnoxity of America

Wow!

Fake news

No, the media is mistaking. 
Fake news!

Oh, fake news

Everything is fake news

 

Russia,

Puerto Rico,

Dead soldiers,

Niger

Sexual harassment

Grabbing genitals, hey

The law suits

All fake news

 

The powerful commit no crime

Harvey Weinstein

Who threw the first stone

The misogynist team leader

Locker room grabbing

Boys on the bus, hein

Let the tap roll, roll, and roll

Women still lack the rights to their private parts

 

Fake news

The White House vies on fake news

 

Orange hair

Pumpkin face

Fake news

Fake news
Denial

Fake news

Career liar

Fake news

Popular vote lost

Fake news


How dare you oblige all to stand
When appealing to a foe to reach your aim?

Fake news, hein
 

Assail the victims of racism,

Lynching, Jim Crow, Segregation

To divide and exclude minorities

Mr. President, treason ain't nationalism

 

Loyalty is no detergent to clean your dirt

Putin may not cook the evidence

To serve the masses on Facebook

Niger is your Benghazi

Fake news

 

From the formation of the union until now

Blacks were put aside for the slave masters

To slaughter heartlessly in cotton fields

For overseers to massacre incessantly

For buses to throw in the back

For society to send to the back door

For offices to keep out the doors

For mobs with badges to kill mercilessly
Now, you think a knee is dishonorable

The anthem is above the ones being murdered

Senselessly for centuries in the streets

Really Trump?

Bigotry isn’t presidential

Rise to the height of the office

Be presidential, Mr. President

 

Were Trayvon Martin, Eric Garner, Philando Castile,

Alton Sterling, Michael Brown Jr., Dante Parker,

Ezell Ford, Tanisha Anderson, Akai Gurley,

Tamir Rice, Rumain Brisbon, Jerame Reid,

And Tony Robinson murders acceptable to you?

You perhaps shrugged their corpses on the ground

And in coffins as the soldiers with your narcissistic eyes

The stare is obvious on the podium

Just run your finger through your hair as you pose there

Hmm...


The land you claim to love so dearly
Was just a patch for a foreign force
To help you seize so ambiguously

Some are just Russians at heart

 

Their advertisements aren’t fake news, hein?

We know, Mr. President

Meetings in your tower were secret society gatherings

Loyalty is required to conseal your cult of secrecy

Sessions sits in the Senate with his tongue tied

With the fear of being disloyal

To a man who has never been loyal

Words are too heavy for him to lift

Presidential privilege has turned into the fifth

A plea which was never pleaded

To clear the blur in the Russia scare

 

The Facebook ads invasion

Wisconsin confusion

Phony election

Fraud delusion

What about your nomination

The attact on immigration

Fake news illusion
Lies are no evasion

Mr. President

What about your condition

Pathological l.i.a.r!

Mental masturbation

The dilemma of a devilish conception

Military miscalculation

War in every imagination

Goddamn! The nation!

Is North Korea a manifestion?

A rocket man and a dotard in a competition

 

Amagaddon hangs in whimsical rhetoric

Commanders treading upon immaturity

Nuclear bombs are yet made in toy forms

For the callow mind to chase a foe with


Now, in its highest office,
You strut as Achilles in Troy

More patriotic than soldiers on the battlefields

Unable to apologize on your high horse

They know what they signed for

Really? Come on, Mr. President

Such absence of decorum,

Ignorance of diplomacy

Indecisive hypocricy

Again, a show of denial?

Cry about the flag when unable to eulogize

The hearts that wear the uniform with valiancy

To safeguard a democracy you’re ready

To trade for the glory to uplift your ego

Please! Away with that white supremacy!

You’re better than that, some said

 

Death written all over their affidavits

Mr. President, you never wore those boots

Fire and fury were nowhere to assist the dead

Honor the soldiers

Respect the call to duty

The Office of the Presidency!

Not even time builds the character
Of a fickle in these exquisite suits

Money makes a clown even more frivilous

Than a lackey in front of his boss

Would you die for the flag, Mr. President?

Oh, is that just your Twitter patriotism?

Spurious nationalism?

The phone is easier than combat to face

Dialing digits is no bullet to dodge

Don’t flee from the families

Still, you left the widow in a daze

Nausea in the middle of a media frenzy

You’re no longer the head of the Apprentice

Heed the White House, Mr. President

Fake news
 

The public is no private office

Where hucksters swindle the weak

To make billions with no merit

Fake news


Look at that pile of empty rag
In the Oval Office
So trivial Twitter has become

Tweet with no purpose

Policies require more than a dozen words

Mr. President

Fake news are no excuses

Leave your lies at your towers

Can't take a career liar for an orator

 

What about Seneca, Cecero, and Ovid?

Shame on historians who raise thee above trivia

Only fools destroy wonders

To embody the evil of thunders

 

Beware of your charade


Forge not your legacy upon debris
To proclaim your greatness amidst the emptiness

 

Mislead the blind with deception

Isn’t patriotism, Mr. President

Half baked nonsense
Spurious nationalism
The words of a hero
A true soldier
A veteran of war, humble
Composed in his sagacious stance
To denounce the travesty in the White House
Such a masquerade on a daily basis
Spare the screen of your orange effigy

Fake news

Isn’t it?

 

Mr. President

Shame on your audacity to lie

With such herculean boldness before the nation

 

Where is the passion

To die as a soldier for the flag?

I rather take a knee to allow a foe

The upper hand in the election

The love for the land is the blood

That runs through these veins

Anyway, fake news

The winner takes all

Black, shut it up
Stand on your feet and honor the flag

Really?

 

Patronizing the victims is the greatness?

What a promise

A silly promise

An election promise

The agenda has become

The persecution on the football fields

 

Diversion is a veil for nine months of idleness

The wall, Obamacare, and tax cuts are where?

More attention is on Twitter than The Congress

 

Legistations are rants on the media circus

The clown is performing his tricks


Is this the anthem to replace the anthem

You marched to in the way to win the elections?

Hey Sir, you? You?
Damn!

Wait! 

Are you free from your conscious?

Maybe you never had one

Stay dormant in your state of forgetfulness

Be the first faceless president in the policy mirror

Look at yourself backward

Your visage is the back of your head

Faking amnesia isn’t a solution

To make America great again

Nine months with zero legislative achievement

Such an accomplishment for the greatest president

Oh, have you even fathomed the First Amendment?

 

The right to protest the injustice you’re unable to see

 

Shove them in the car

 

Is that policing, Mr. President?

 

How about the Bill of Right?

 

It requires reading to figure its content

 

That’s a tall call for a blind man in his white glasses

 

Preying on victims isn’t the best way to lead

 

Enough with your fake news nonsense,  Mr. President


 

Marianne Pon-Layus

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Mon année canadienne 


Au cours de l'année 2018, je vais exposer en solo au Manitoba et au Yukon. Je désire garder des traces visuelles et écrites de mon processus de création.

En examinant les différentes étapes de réalisation de ce projet, on aura accès aux différentes erreurs et tâtonnements qui sont généralement dissimulés.

 

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Bienvenues dans mon atelier.

Marianne Pon-Layus 

 

J'ai ramené, d'une résidence d'artiste en Suède, un magnifique papier chiffon semi transparent. Dans un esprit de recherche et de jeu, j'ai essayé de créer des dessins-peintures réversibles. En voici quelques exemples.

 

anda (recto), acrylique sur papier suédois, 62 x 88,5 cm, 2017.

anda (recto), acrylique sur papier suédois, 62 x 88,5 cm, 2017.

anda (verso), acrylique sur papier suédois, 62 x 88,5 cm, 2017.

anda (verso), acrylique sur papier suédois, 62 x 88,5 cm, 2017.

uffy 1 (verso), acrylique sur papier suédois, 62 x 88,5 cm, 2017.

uffy 1 (verso), acrylique sur papier suédois, 62 x 88,5 cm, 2017.

Buffy 1 (recto), acrylique sur papier suédois, 62 x 88,5 cm, 2017.

Buffy 1 (recto), acrylique sur papier suédois, 62 x 88,5 cm, 2017.

Dig Two Graves 2 (recto), acrylique sur papier suédois, 62 x 88,5 cm, 201

Dig Two Graves 2 (recto), acrylique sur papier suédois, 62 x 88,5 cm, 201

Dig Two Graves 2 (verso), acrylique sur papier suédois, 62 x 88,5 cm, 2017.

Dig Two Graves 2 (verso), acrylique sur papier suédois, 62 x 88,5 cm, 2017.

 The Blackcoat's Daugther (recto), acrylique sur papier suédois, 62 x 88,5 cm, 2017.

 The Blackcoat's Daugther (recto), acrylique sur papier suédois, 62 x 88,5 cm, 2017.

 The Blackcoat's Daugther (verso), acrylique sur papier suédois, 62 x 88,5 cm, 2017.

 The Blackcoat's Daugther (verso), acrylique sur papier suédois, 62 x 88,5 cm, 2017.

 

J'ai utilisé des images arrêtées de films et de séries, mettant en scènes des personnages féminins dans des postures équivoques. Il est difficile de déterminer si elles sont agresseurs ou victimes, menaçantes ou en danger. J'ignore encore si ces dessins seront présentés dans mon exposition nomméeLes dernières filles (Winnipeg, avril-juin 2018), mais ils ont déjà servi comme recherche pour de grandes compositions sur toile.

 

 

Steve Poutré, Arts visuels

nelson mederik

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CORPS FLOTTANTS, textes : Amélie Prévost / Illustrations et mise en page : Steve Poutré

Une des premières questions qu'Amélie m'a posée lorsqu'elle m'a proposé de collaborer avec elle sur ce projet a été : As-tu des corps flottants dans les yeux? Ça m'a étonné parce que, en effet, j'ai depuis longtemps plusieurs masses étranges qui me flottent dans les globes oculaires. Pour ne pas virer fou, j'essaye de faire comme s'ils n'existaient pas, mais dès que je regarde un grand mur blanc ils me ressautent en pleine face. 

 

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Tout de suite, le titre de l'ouvrage m'a vraiment inspiré, parce que j'ai trouvé qu'il y avait un beau parallèle à faire avec nos remords et nos démons intérieurs qui nous suivent, qu'on tente constamment d'oublier mais qui finissent toujours pas refaire surface. J'ai essayé d'illustrer des trucs étranges, pas toujours très rassurants. Âmes déracinées et poussières dans l’angle mort, les images abstraites et représentations graphiques viennent nourrir ce sentiment de mal-être.

J'ai voulu conserver un côté très embryonnaire, en polissant mes œuvres le moins possible, pour donner un côté plus viscéral, une atmosphère qui fait un bel écho à la poésie. Ce n'est pas aussi facile que ça en a l'air comme exercice pour une personne perfectionniste comme moi. 

 

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Aujourd’hui, le brut se perd dans une mer de filtres. Carburant aux deadlines, l’artisan contemporain travaille à une vitesse folle, à partir d’outils aseptisés et autres chimères virtuelles, pour livrer un produit droit, propre, sans faille. En tant que designer graphique de métier, l'art abstrait m'a toujours aidé à garder un équilibre.

Au fil des ans, j'en ai fait une activité quasi thérapeutique. Me questionnant sur les enjeux de ma profession, je me suis donné ici l’occasion de créer en laissant se manifester de précieux accidents graphiques, pour créer d’harmonieux brouillons. Tenter de capter le passage du hasard, pour lequel il n’est plus nécessaire de valider l’existence.

Exploiter cet état d’esprit n’est pas chose facile, nos réflexes d’adultes et déformations professionnelles nous remettant sournoisement la switch à on. Apprendre à désapprendre, sans les réconfortantes contraintes, est une démarche qui nous rapproche du côté plus spirituel de la création, de notre naïveté originelle qu’on tente d’atténuer en vieillissant. J'ai profité aussi de la liberté que m'offrait ce projet pour réaliser quelques fantasmes de graphiste, comme de jouer avec le trop vide et le trop plein, de ne pas toujours respecter les safe area… des zones que je peux rarement visiter dans le cadre de ma profession. 

 

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J'ai vraiment l'impression de vous dévoiler ici un de mes petits jardins secrets, comme si ça avait été ma façon à moi de flirter avec ma propre poésie. Bienvenue dans mon univers.

 

Corps flottants est paru aux éditions Neige-galerie en septembre 2017. Le livre est disponible en librairie et en ligne.

Amélie Prévost est monologuiste (spoken word), poète, comédienne et auteure de théâtre. Elle s’est particulièrement illustrée en remportant la Coupe du monde de slam à Paris en 2016.

Steve Poutré est designer graphique et artiste en arts visuels. Il est aussi l’auteur du livre What the font? Une intrusion dans l’univers de la typographie publié en France en 2015.

 

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L. Rhodes, composer

nelson mederik

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I feel as though i'm gettong closer now, with each driving stroke of the chizel the essential flesh of my idea becomes clearer, with every dusting off of the obling shape, my symphony intensifies, i've recently been employing the use of...

To continue reading, click here. 

Heureuse nouvelle...

nelson mederik

Vous trouverez ici en toute honnêteté et intériorité des billets d'artistes, de créatrices, de performeuses, de théoriciennes, de gens de grand talent et de sensibilités diverses sur des sujets/actes/moments porteurs pour elles. 

J'ai eu la grande chance de pouvoir compter sur ces personnes pour nourrir cette section qui me semblait plus qu'importante à ajouter au blogue, ajout de cœur, de corps et de chair ! Elles écriront tant en français qu'en anglais, selon leur confort. 

 

Vous pourrez lire ces moments intimes sous formes diverses : journaux de création, réflexions sur un milieu, expériences de scène, extraits de show, découvertes, nouvelles créations en cours, journaux de résidence, réalités du milieu à exposer/défendre/critiquer...

Je vous invite fortement à rester à l'affût ! 

Merci aux gens extraordinaires qui ont accepté d'embarquer dans From Inside ! 

Si le processus vous interpelle,

n'hésitez pas à communiquer avec moi.