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Jeff Koons, un regard efficace sur une société superficielle

nelson mederik

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Quand nous sommes témoins d’une œuvre telle que la pièce de théâtre Jeff Koons, mise en scène par Dillion Orr, c’est sans équivoque, elle touche une sensibilité profonde en nous ; jamais plus notre regard ne sera le même. Cette pièce évoque le mal du siècle, une déshumanité certaine, imposée, sans crier gare, par les technologies qui nous entourent et où l’empressement et l’éphémère sont irréfutables. Comme nous avons grandi dans ce contexte technologique sans précédent, nous n’avons pas d’autres repères, pas de mots pour décrire le vide intérieur qui nous habite. Le message est limpide, même l’art ne parvient plus à nous rallier à notre humanité profonde et c’est un désastre. Retour sur une pièce qui incarne le mal-être d’une société étouffée par sa propre création.

 

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Le message est illustré de manière pragmatique à l’aide de casque à réalité virtuelle, de deux écrans qui montrent ce que les comédiens voient, et de trois comédiens empreints d’un constat évident : nos relations sont maintenant futiles, conséquence d’un déni face à notre nature profonde.

 

L’image que revoit l’artiste Jeff Koons est rapidement utilisée, quelle est sa place comme artiste? Comment son art peut-il régler les problèmes d’une société marquée par l’indignation? Comment peut-il nous faire comprendre la violence? Dans la pièce, ce personnage représente nos vies sans saveurs que l’on remplit de feux d’artifice. Jeff Koons est connu pour ses sculptures plastiques ayant un référent commercial. Il utilise des technologies de pointe pour concevoir ses ornements, qui représentent des artéfacts de la culture pop post-deuxième guerre mondiale. Pour oublier les horreurs de  l’animosité ressentie à cette époque, les entreprises, par la publicité, ont fait miroiter que pour être heureux, connaître le vrai bonheur, il faut consommer.


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C’est ce parallèle qui est abondamment utilisé en prenant Jeff Koons comme icône servant à dénoncer la société nourrie par la consommation rapide, laissant loin derrière la compréhension de l’être. Cet artiste vend ses œuvres à prix d’or, au 1 % des gens les plus riches, qui remplissent leur vie avec des dépenses aussi exubérantes qu’inutiles. Les critiques réfutent la place de Jeff Koons comme artiste, car selon eux, il n’apporte pas de réflexion tangible, il représente l’art de masse qui sert de divertissement, sans plus. La catharsis est dite improbable quand nous sommes en présence d’une pièce présentée par Koons. Cette métaphore est le moteur de la dénonciation du superficiel qui nous envahit, et elle est criée par les protagonistes dans la pièce qui jettent violemment cette phrase trouble : « ça parle du mensonge de l’art. »

 

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Le complexe de l’enfant est un sujet abordé, par la réaction de l’artiste face à la critique négative de son art, il n’a pas développé la maturité nécessaire pour assimiler les critiques. Il n’a pas fait le détachement entre l’amour de sa mère, qui ne veut que son bien, et ainsi y remplir son âme. En grandissant, l’artiste se rend bien compte que personne ne veut réellement son bonheur et il devient rempli d’une haine exprimée par ses mouvements, ses paroles futiles qui le remplissent malgré lui, mais qui le vident, le rendent vulnérable et sans défense. Cette muse qui l’a mis au monde n’est plus et il se sent dépourvu, abandonné et épuisé. 

 

Dès mon entrée dans la pièce où allait se dérouler l’action, il y a un homme par terre, représentant l’artiste, vêtu d’un casque à réalité virtuelle. Le questionnement commence : pourquoi il est là? Pourquoi est-il immobile? Pourquoi ne semble-t-il pas évoluer dans notre réalité? Sa posture est brute et véridique à la fois, le tout accompagné d’une musique électronique troublante et mystérieuse. Deux comédiens entrent en scène et ils énumèrent de quoi il sera question, brisant le 4ième mur en s’adressant directement au public faisant partie de leur intimité. C’est avec une éloquence marquée et en étant tiraillé par une ironie perceptible que les protagonistes nous introduisent à l’univers de Dillion Orr.

La narration est abondamment utilisée pour exprimer les sentiments profonds qui sont habités par l’artiste gisant sur le sol. L’Homme ne peut plus parler de lui-même ; il a besoin d’un support et ici, il s’agit de la technologie. D’un coup, il se lève et arpente la scène d’une danse qui démontre son désordre intérieur, puis il proclame tout ce qu’il veut être, étant donné que tout peut lui appartenir. Il est dans sa réalité, qui est en fait, virtuelle.

 

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L’une des scènes de la pièce m’a frappée de plein fouet. Je parle de celle où l’artiste vit un moment intime avec l’un de ses élus. C’est dans un mouvement évident que les deux comédiens s’exécutent, vêtus d’un casque à réalité virtuelle. Ils sont ailleurs, ce que nous percevons rapidement. L’utilisation physique du fil qui raccorde le casque montre le prolongement de l’Homme par la technologie. Encore une fois, la relation qui devait émouvoir les passions reste superficielle, l’amour n’y est pas et enivre l’artiste d’une déception de plus, d’une déception de trop, d’une déception qui le ravage de l’intérieur.

 

À ma sortie de la salle, j’étais plus proche de mon être, de mes sentiments, de mes sensations, que je refoule parfois en restant confortablement dans le déni. C’est une facilité qui apaise rapidement dans un monde qui va de plus en plus vite. Cette œuvre nous montre la pire facette de nos existences et nous invite à remplir notre vie de ce qui est rendu une denrée rare : la compréhension et l’expression de nos sentiments réels.

Stéphanie Bourgeois

Texte
Rainald Goetz
Traduction
Mathieu Bertholet, Christine Seghezzi
Mise en scène
Dillon Orr
Scénographie
Pierre Antoine Lafon Simard
Musique
Olivier Fairfield
Assistance à la mise en scène et conception multimédia
Guillaume Saindon
Interprétation
David Bouchard, Annie Cloutier, Alexandre-David Gagnon
Dramaturge
Annie Cloutier