Un autre, chronique d'une métamorphose
Imre Kertész, 1999
Écrivain Hongrois de l'ombre pendant 40 ans, subsistant en écrivant des opérettes, Imre Kertész témoigne de son chemin de vie marquée d'abord par Auschwitz puis par Staline sous forme de concentré de ses journaux écrits entre 1991-1995. Ses oeuvres compte une dizaine de diverses parutions éclectiques d'essaies, de récits, de romans et de journaux, pour obtenir en 2002 le nobel de littérature et tristement nous quitta en mars dernier.
"La plus forte façon de laisser sa trace est le témoignage artistique."I.K.
Il ne faut surtout pas amorcer ce livre comme un témoignage de plus sur la Shoah. Le décor accessoirement contextuel l'est, mais on s'immisce avec délice, pudeur et grandes émotions dans le centre nucléaire de l'homme, un homme qui a appris à crier la bouche fermée. Sa plume est intransigeante, dure parfois, tel un scalpel dans nos beaux principes appris pour fonctionner dans ce système sans logique.
L'auteur nous expose violemment à la mélancolie, à l'impossibilité de mouvements, l'impuissance, l'incompréhensibilité vécue de l'intérieur...et... c'est déli-fucking-cieux.
"Il faut avoir un destin pour être tragique"...I.K.
ou quand la violence émotivo-politique devient la trame de fond de son style littéraire/poétique pour y survivre. Il refuse d'être le porte-étendard, le faire-valoir du résistant/survivant, il nous transporte dans ses tergiversations, interrogations, ses écoeurements du monde, de l'Homme mais transmet de réels questionnements qui nous habitent longtemps après la lecture.
Ses métaphores et sur-parentheses nous portent sur ses trains de pensées, il ne faut que quelques pages pour que son style devienne notre façon naturelle de respirer. Journaux personnels d'un octogénaire, désespoir et lucidité, un livre nécessaire pour l'Humanité, parce qu'à travers sa lunette subjective il tourne vers nous un miroir peu souvent abordé, parce que ce livre est le bon premier, parce qu'il faut courir lire le reste...à lire !
"La plus grande désobéissance est de vivre sa vie" I.K
Ça m'a pris deux semaines à me remettre de ce livre, de ses mots. C'est le genre de livre (enfin pour ma part) qui est annoté, qui a les coins cornés, qui est tombé dans la baignoire, qui est surligné de toutes parts, presque mangé physiquement tellement il est entier, vrai, prenant, touchant..dérangeant.
Sa façon de disséquer les comportements humains te donne l'impression de n'avoir jamais vraiment regardé comme il faut. Ses images-phrases ont leurs racines dans une réalité que nous ne pourrons jamais réellement comprendre mais si transportables dans notre vie.
Du haut de ma jeune trentaine, je me suis surprise à être le personnage, à être aussi impliquée dans ses colocs de littérature, submergée par les demandes, en marge, en rack, perdue..c'est habile, c'est Grand...c'est bon !
''La lecture est comme une drogue qui confère un agréable flou aux cruels contours de la vie"
I.K. (Liquidation)
Audrey Desrosiers