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Journal d'une femme artiste en temps de pandémie (1 de 4)

Dialogues

Journal d'une femme artiste en temps de pandémie (1 de 4)

nelson mederik

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Allô, je prends une pause.

Je tente de.

De prendre une pause.

Mon corps me dit de plusieurs manières, allô, peux-tu t’arrêter un peu ? Peux-tu relaxer ? Repose-toi donc s’il te plaît. Aurais-tu oublié que tu es activement en création d’un autre être humain ? Que tu partages ton corps et toute ton énergie à cette création, à l’élaboration vivante de cette œuvre d’art ?

Allô, allô, je te demanderai de t’arrêter un peu. Juste le temps de souffler, juste le temps de prendre le temps. De vivre les coups de pieds, les caresses du dedans, les retournements de tous les côtés de l’être qui glisse contre les parois de ton corps. Tu sais, oui, le temps coule. Mais le printemps n’est qu’en préparation. Tu as encore le temps. Et puis le Québec, l’Amérique, le monde terrestre se repose encore. Prends le temps. Laisse-toi bercer par la mer. Laisse-toi endormir par le vent. Écoutes encore ton chat ronronner. Ta fatigue, accueilles la. Prends ton temps. Prends tout ton temps. Tu vis ce qui ne se répète pas. Ce qui n’a lieu qu’une seule fois. Un levé de soleil. Une pleine lune. Un coup de pied. Un chat qui miaule. Une vie aux allures incertaines, violentes, fleurissantes. Une vie de questionnements, d’amour à distance, de forte portée poétique. Une vie entre mer et sous-bois. Aucune des heures, des journées, des semaines écoulées ne reviendront. Prends donc ton temps, tout ton temps, pour goûter chaque pas, vivre chaque respiration, veiller chaque larme. Prends le temps de reprendre tes forces, de refaire ton plein d’énergie, de contempler tes courbes, de déguster des fruits. Prends le temps. De vivre tes parents, de perdre ton temps, d’avoir mal à certains endroits. Prends le temps d’avoir le droit. Les idées ça va, ça vient, ça vol. Si quelques-unes se perdent, d’autres se pointent. Il y a toujours ce va et vient.

Les idées c’est vivant. Ça ne se perd pas. Ça se remplace ou ça se transforme.


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Après plusieurs semaines de confinement à tenter, sans vouloir me mettre de pression, mais active néanmoins dans une vie/époque/société qui demande un minimum de rendement, j’en suis arrivée à un certain état d’épuisement physique, moins moral cette fois. D’une part, la peur de ne pas en faire suffisamment - ne pas travailler, vouloir occuper son temps avec intelligence et créativité. D’une autre part, du jour au lendemain, recevoir tout cet espace-temps, en plus de ce jaillissement d’idées de projets. Mais ne pas savoir dire stop une fois de temps en temps, parce que pourquoi ? Parce que la passion. Parce que ne pas trop savoir quoi faire de ne rien faire ? Ça marche comment quand on ne fait rien ? Puis voir le corps changer, le sommeil bousculé, les maux s’accentuer, le système immunitaire perdre en énergie. Se dire, peut-être devrais-je me reposer ? Ne pas tomber dans la honte de ne pas suivre tous ces défis que je me lance. Ne pas être présente à tout. Oser faire la sieste quand le corps le demande. Entendre et écouter le corps. Et puis, au lieu d’une culpabilité de future mère, prendre le temps de vivre ces mouvements de l’enfant en composition. Engager un dialogue de langage en mouvements. Allô, allô, je suis là, je ne t’ignores pas. Je te sens. Et toi, sens-tu la pression de mes mains et de mes doigts au-delà de la peau. Entends-tu ma voix, celle de papa et ces musiques environnantes que je te partage ?


Apprendre à ne rien faire.

Et en quoi ça consiste ne rien faire ?


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Hier, j’ai sommeillé dans le soleil. J’ai lu un peu. Puis j’ai visionné une série légère sur Netflix. J’ai écrit à mon amoureux. Chialé un peu. Cuisiné.

Ne rien faire consiste-t-il à :

Ne faire que des choses éphémères qui ne marqueront pas le temps ?

Ne créer que du non-sens, ou alors un sens si intime qu’il n’entre pas dans le réel social ?

Ne rien tenter pour favoriser la croissance économique ?

Vivre sans trace ?

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En me détachant, une fois de temps en temps de cette course qui m’est imposée et que je m’impose, cette course exposée, cette course à mes désirs <<futurs>>, est-ce que j’apprends à ne rien faire ? Ou suis-je en train de faire, mais seulement sans témoin pour confirmer la chose ?


Présentement, j’écris.

Depuis deux jours, je n’ai pas écrit mes pages du matin. Je décide plus ou moins consciemment de briser le rythme, pour m’octroyer le droit au repos, à une non discipline.

Mais j’écris. Présentement, mes pensées. Parce que celles-ci s’imposent à moi. Elles montent naturellement. Et oui, j’écris en toute conscience d’un désir de partage. Humain. De différentes manières, humain.


Peut-être pour me donner ce droit. Voir que je ne suis pas seule. Avoir besoin d’être acceptée, qu’on me confirme ce droit au repos. Qu’on me confirme ce droit à la lenteur. Parce que, même ici, je vis trop vite. Je vis de l’éclair. Et au lieu de briller, je m’atterre et me terre.


Je nomme les restes, ceux qui continuent de suivre, d’un combat livré jour après jour, depuis la nuit de mon temps.


Est-ce que je souhaite inculquer ça à mon enfant ? À cet être qui modèlera en partie son être sur mon essence ? Je veux plutôt lui apprendre à respirer et à entendre, à être fidèle, le plus possible à cette voix qui vacille en lui, en elle. Je veux aider la forge de l’écoute. La forge du regard. La forge de la caresse. Voilà ce que je veux.


Et pour l’inculquer, je dois l’apprendre.


Et hier et encore aujourd’hui et peut-être demain aussi, j’apprends à prendre congé.  





Début mai 2020

Le confinement est débuté depuis si longtemps - toujours resté sur une corde incertaine - le voyant aujourd’hui tenter de briser son existence par pas provocants peurs et joies, joies et peurs et encore incertitudes au pluriel - que je me demande comment est la vie autrement. Je me demande, ai-je déjà vécu entièrement hors confinement ? Hors confinement, ai-je ces plages d’espaces, ces plages d’espaces sans trop d’anxiété ? Dès le début du confinement, j’ai passé d’une ligne métropolitaine à une ligne insulaire. Par grand hasard de vie, grand hasard tourné vers ce que je suis au plus franc de moi. J’ai dû me déplacer pour monter une exposition qui ne verra jamais le jour dans les yeux des visiteurs-poètes. Une exposition qui sommes-toutes existe en elle-même. Hier soir, j’ouvrais un journal intime illustré datant de la fin 2017 et d’une grande part de 2018 et en premières lignes, je trouvais ces mots : <<laisser vivre les objets>>. Je trouve que ça résonne bien avec la manière dont j’accepte de voir la vie de mon exposition <<Îles>> au Musée acadien du Québec à Bonaventure.



Laisser vivre les objets. Se laisser vivre aussi. Je veux dire par là, depuis quand avons-nous réellement le contrôle sur nos vies, le fait de vivre n’implique-t-il pas justement d’être bouleversé pour pouvoir apprendre encore en traversant la route qui est la nôtre ? Je trouve, pour ma part très étrange, ce désir de contrôle et de retour à la normale ou l’anormale. Je ne vois pas ce qu’il y a de sain dans notre vie capitaliste ... certaines et certains diront que si ce n’était pas cela ce serait autre chose et ce ne serait pas mieux. D’autres jamais ne se questionnent sur notre manière humaine de concevoir objets et vie, notre vie par les objets. Et si nous laissions vivre les objets et si nous prenions le temps de poser le pied dans notre vie, celle qui se joue maintenant, pas celle qu’on attend de vivre, qu’on a déposé sur le bord du comptoir ou d’une table, il y a deux mois, non notre vie riche riche riche et intérieure. Notre grand voyage singulier, unique et personnel. Celui qui ne demande pas d’avion ou de vêtements particuliers, celui qui se joue dans l’émerveillement de l’ici et maintenant. Je parle oui, en femme privilégiée, je sais que ce n’est pas le lot de toutes et tous. Je le sais, sans le vivre. Il faut se battre. Mais se battre ne peut-il pas aussi se jouer dans le non désir de revenir à cette vie anormale où perdue nous ne devenons que frissons d’anxiété. Nous devenons tous ces insectes angoissés par la température, le temps, notre rendement, cette image de soi dans la vitre.



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Je me demande, je me questionne, du nid de mon lit, avant même que ne rosisse le ciel. Peut-être ai-je encore manqué le lever du soleil. Ça en fait un de moins d’inscrit dans ma mémoire. Un levé de soleil qui ne reviendra plus.

Je voulais à la base parler de ma manière de confinement près des grandes étendues, quelque part loin du jeu des drames. Pour inspirer aux gestes plus simples, plus doux. Mais d’abord pour mettre des mots. Trouver les mots pour dire.




Au tout début du nouveau jeu de table présenté par la pandémie, je ne savais pas, comme les autres, comment exprimer cette impression d’irréalité. Car d’un seul coup, tous repères s’effondraient et devant l’incertitude et l’inconnu, comment nommer, trouver un sens, savoir où mener le prochain pas. Je cherchais les mots, la tête pleine d’espaces vides.



Avant la pandémie, ma vie tournait et se retournait autour d’une tempête de peurs dont je tentais de m’éloigner pour respirer. Rester centrée. Prendre part à ma vie encore et encore soutenue par mes désirs, mes rêves, cette notion honnête envers <<je>>.



Dès qu’elle a éclatée, une grande part des peurs s’est envolée. Parce que la plupart de mes peurs n’en sont pas réellement, elles sont plutôt le visage de ce qui n’est pas naturel pour moi. Je m’efforce de prendre le moule et je me romps et me suis infidèle. Et parce que je n’accepte pas si facilement cette infidélité, je me rends malade d’une manière franche et féroce qui brime mes heures, ignore mes jours, m’arrache mon énergie vitale.



Confinée, je vis loin des peurs. Oui, certaines restent, mais je me sens plus forte qu’elles parce que je reste dans l’action. En cessant d’être immobilisé par mes peurs, j’ose concevoir un présent et un futur à l’image de ce que je sens être la nature de <<je>>. Je tente de tracé de nouvelles marques. Je tente la respiration pleine. Je <<tente ce qui tente>>, comme j’aime bien me le rappeler. Expression empruntée à l’artiste Sylvie Cotton.



En étant artiste, je converse ce cœur enfantin, celui qui marche avec curiosité d’un point à un autre. Ce que je veux dire c’est qu’étant artiste j’apprends chaque jour à vivre avec ce qui est, ce qu’on me présente. La vie comme du matériel à transformer, à jouer, à fabriquer, à créer. Je joue avec l’accident, le hasard, je m’émerveille devant ce qui naît ici et là, les yeux grands ouverts, brillants, habités.


Je crois que c’est une philosophie de vie, impossible a déposé en chacun. Certains tentent d’y approcher par diverses substances <<ce soir, je me lâche lousse>>. D’autres par le sport ou la méditation <<lâcher prise, moment présent, respiration pleine conscience>>. Mais tout ça revient à la même chose, tenter de vivre ce qui est. Tenter de prendre le train en marche, parce que l’histoire, notre histoire continue de s’écrire, le temps de glisser dans le sablier, notre vie de se vivre.



Pour moi, art et vie, vie et art restent indissociables. C’est ainsi que je décide de percevoir la chose. Je crée pour vivre et je vie pour créer. Alors pour vivre confinée, je me suis rapidement offerte une liste de défie à réaliser sans obligation, sauf celle de voir vers où tout ceci pouvait me mener. J’ai délaissé les projets d’envergure, qui sans être méchants, donnent davantage le ton à une vision du monde capitaliste, pour me pencher vers la recherche et création de manière fluide, naturelle et respectueuse de mon rythme personnel et de ma position dans ma vie et surtout auprès de la nature qui me redonne ma vraie place, il me semble. Auprès d’elle je ne puis plus me leurrer et me garnir le visage et l’esprit de choses volubiles, non, avec elle, je m’imprègne dans le réel, égale aux côtés des arbres, des oiseaux, de la mer, des astres et du vent. Certes, il s’agit d’une vision de la vie. D’une forme de spiritualité. De croyance intime. Bien sûr on me juge, j’inspire et je dérange. Mais de nature, et je l’accepte, je me mets au service du beau et de l’étincelle créative. De nature, je dirais, mélancolique, mais aussi rêveuse, je semble souvent vivre en deçà, ignorante du réelle et pourtant, je crois qu’au contraire, c’est d’une conscience aiguë du monde qui me fait et m’entoure, dont je me fais porte-parole par actes visuels et poétiques




Le confinement, je le vois comme l’espace-temps d’une visite privilégiée en mon île secrète, en mon archipel d’îles. Je me visite et me fait, me fabrique et m’apprend. Je suis reconnaissante de ce lieu de rencontre en moi. Je ne dis pas là vivre un rêve, je reste femme dans le réel, réel agrémenté de peurs encore, d’incertitudes encore, de maux de corps humain, etc. etc.. Mais encore plus, je vis de la curiosité d’être et de partager vos êtres en devenir, peut-être plus rapidement qu’à l’ordinaire, nous devenons. Nous devenons une version de nous coïncidant avec les marées de l’époque dans laquelle nous progressons.



*


Début avril 2020


Certainement qu’il n’y aura rien d’exceptionnel à mes propos, mais comme je suis artiste, comme j’aime écrire et comme je suis en confinement, je me suis dit qu’il serait agréable de vous partager une petite fresque de ma vie présente, juste pour le plaisir et juste comme ça.


Donc, par où débuter ? Est-ce que je vais bien ? Oui, en général ça va et c’est justement parce que la création m’accompagne depuis toujours que je ne m’en sors pas si mal, à mon avis. Être artiste, être créateur c’est jouer chaque jour avec l’accident, la surprise et cette grande chose planante qu’est l’incertitude. À la fois source de grande anxiété, mais aussi et il ne faut jamais l’oublier, vecteur de surprises, lorsqu’on sait s’y abandonner. Et je crois que de s’abandonner à l’incertitude, c’est quelque chose qui se muscle chaque jour et il existe tout un tas de formules pour se muscler la facette de dangerosité de l’intérieure.

Pour voir, par curiosité et pour être honnête, parce que je n’avais aucune idée de la suite des choses, je me suis laissée le loisir de vivre l’éclosion d’une quotidienneté naturelle. Quotidienneté qui devient sur certains points, consciente et que je tente de modeler tout à fait légèrement, lui offrant le loisir de me surprendre et de me définir.



Alors, comment suis-je entrée en confinement ?

Pour ma part, l’entrée en confinement s’est fait à travers les routes.

J’arrivais de Boston, où j’étais allé rendre visite à celui qui me bouleverse le cœur et tout le tralala. Là-bas, tranquillement, ça se parlait du virus. Pour moi, ça sonnait encore gros comme quelque chose de loin, de très loin, de loin comme dans les autres pays. Ça ne sortait pas encore des écrans des stations de métro ou des journaux. Quelques jours se sont écoulés où ça remontait, encore là, juste comme un murmure. Jusqu’à ce qu’on ferme les écoles et que je rentre travailler le 15 mars à la librairie. En voyant certains visages graves de mes collègues inquiets et tout ce beau monde perdu face au retour des enfants à la maison, vraiment pas longtemps après la semaine de relâche, je me suis mise à regarder chaque visage comme un potentiel de microbe et chaque livre qu’on manipulait aussi. Je le lavais le comptoir information du deuxième étage de la librairie sur Saint-Denis. Le lendemain matin, je me sentais moyen. Enceinte, inquiète, légèrement fiévreuse, je suis restée à la maison. Et le surlendemain aussi. Je partais pour la Gaspésie le 18. J’hésitais gros comme le ciel à partir. Mais là-bas, au Musée acadien de Bonaventure, m’attendait la possibilité d’une première exposition de type professionnelle, pour laquelle je m’étais arracher l’âme dans les derniers mois. J’ai fait un choix égoïste et stressant. Quitter Montréal, prendre le bus voyageur et changer de région. Dans ce temps-là, c’était encore assez calme. Mais ça commençait à se retourner de tous bords tous côtés.



Comme prévu, je suis allée installer mon exposition avec l’équipe de feu du musée et ma charmante maman. Je crois que c’est ma meilleure exposition. Le matin même de l’accrochage, je n’avais encore aucune idée de ce que ça allait donner. Je voulais y aller au feeling et c’est ce que j’ai fait. Entre les coups de fatigue et les bouffées de chaleur, les échanges sur Legault et la situation, je suis parvenue à entrer en dialogue assez fort pour créer sur place les liens entre mes œuvres et pour offrir une concordance, un équilibre dans la mise en commun de mes œuvres hétéroclites. Parce que créer durant le premier trimestre de grossesse a été d’une violence inouïe pour moi. Je suis contente d’être passé au travers et d’avoir été tout de même assez forte pour poser des gestes créatifs. Je ne pouvais pas passer à côté de ma chance de présenter cette exposition. Pour moi, c’est un rêve qui se réalise. Un rêve, qui pour l’heure, n’a pu être dévoilé que par quelques photos sur les réseaux sociaux. Parce que bien évidemment, personne d’autres que le personnel du musée, ainsi que ma mère et moi n’ont pu profiter de l’exposition. Et pour moi, les œuvres n’existent qu’en dehors de moi et au contact de l’autre. Alors, l’existence de l’exposition reste encore à ce jour inachevée.




Alors me retrouvant en Gaspésie, j’ai attendu l’annonce de la fermeture de la librairie, où je travaille à Montréal, pour prendre ma décision de ne pas reprendre la route avant un moment. Les autobus voyageurs ne desservant plus et les cas augmentant sur l’île de Montréal, je préfère être ici.





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Cette fièvre légère que je ressentais depuis le 16 mars m’inquiétais. Alors j’ai dû aller passer le test de dépistage du virus. Fort heureusement, après une suite de journées interminables et l’angoisse que créait cette attente chez les membres de ma famille, j’ai reçu la nouvelle que je n’étais pas porteuse du méchant microbe. Cet état fiévreux est probablement dû à cette séquence d’hormones qui prennent mon corps comme lieu d’exploration. Donc après tout ceci et une répétition d’appels téléphoniques pour ceci et pour cela, j’ai commencé à vivre le confinement.


Déjà, en attente des résultats, je ne pouvais plus bouger. Je devais rester isolé. À cette époque, peu lointaine, mais qui semble déjà être ancienne dans le temps, autour de moi, la crise ça restait flou. En moi, ça revenait comme une étrange sensation. Quotidienneté et puis oh cet étrange effluve de cauchemar. Cette sensation est restée accroché plusieurs jours. À la question, comment je me sens ? je ne savais pas trop quoi répondre. Une sorte de No man’s land dans lequel je me retrouvais par moments.






Mais à travers tout ça, avril s’est amené. Mon mois anniversaire. L’espoir printanier. Oui, oui, même en Gaspésie le printemps fini par se pointer. Même en période de pandémie, le temps fait ce qu’il a à faire, il fait son temps.



Un amoureux de l’autre côté de la frontière. Vivre à nouveau avec mes parents. Gérer mes allergies à ma chatonne que j’aime d’amour et apprendre à vivre de nouveau avec la proximité de la nature ! Allô ! Ha oui et un ventre qui pousse de plus en plus et que j’apprivoise !!!



C’est à partir de là que des choses ont commencées à se passer. En douce. Comme un bon vent. Un vent frette, mais qui met en éveil.

Je sais que pour éviter d’avoir l’impression que les journées nous filent entre les doigts, il faut aller chercher, par fragments, une certaine consistance. Mais je suis une femme qui aime la liberté, qui aime se vivre au naturel et je suis curieuse de voir où les choses me mènent. Quelles qu’elles soient. Alors une routine, pour moi, d’ordinaire, c’est contre nature. Mais quand ça naît de la nature, alors là ça me plait et j’aime ça. Je veux être authentique et ça commence par moi. Alors voilà.



Avec avril arrivait le #napomo challenge, c’est-à-dire le National Poetry Month, auquel je participe depuis quelques années. Je ne sais pas où il a été initié, mais c’est en suivant des ami(e)s et des connaissances sur les réseaux sociaux, que je me suis mise à suivre la ligue.


(Écrire un poème par jour avec le hashtag #napomo)



De devoir écrire un poème chaque jour me motive beaucoup. De lire les autres aussi, lorsque je vois leurs textes naître sous mes yeux lors des défilements virtuels quotidiens. 



Écrire, comme toutes formes de création, c’est pour moi une manière de dire <<regarde ! >>. C’est aussi la meilleure manière de remplir ces espaces qui font peur, ces sortes de trous béants, le néant entre les choses. Par exemple, l’incompréhension pour mon être de n’être pas à proximité de l’amoureux. Dans le poème, je crée des ponts qui me relie à lui. Dans le poème, je vis sur tous les fronts, tous mes angles. Il n’existe aucune temporalité ou réalité fixe. Tout est possible ! Et pour le cerveau, pour le cœur, pour l’être, ces possibles s’inscrivent dans le réel, d’une certaine manière. Créer ça donne du sens là où il n’y en a pas. Ça rend réel, ça rend palpable ce qui échappe.



Aussi, en revenant chez mes parents, je me suis retrouvée face à des bibliothèques gorgées de livres accumulés au fil des ans. Depuis des mois que je braille sur mon incapacité à vivre en temps naturel. Je rêvais de silence, de temps à moi, d’espace, de livres à lire et de temps pour écrire. Je voulais vivre ma grossesse aussi. Et là, je me retrouve avec du silence, de l’espace, du temps et beaucoup, beaucoup, beaucoup de livres. Mais comme, une fois de plus, j’aime les cadres, mais ça dépend, je ne voulais pas non plus m’obliger à une manière stricte de gérer mes lectures. Alors j’ai décidé de me laisser lire, de me laisser vivre et ça fonctionne. Si travailler en librairie m’avait rendue anxieuse face à cette quantité de livres à lire, je me rattrape ici tout en douceur en lisant ce qu’on m’a vivement conseillé ou ce qui capte mon attention. Il n’y a pas de cadre à mes lectures, et je sais qu’elles me nourrissent.



La nature ! La nature ! La nature ! Me retrouver à nouveau à proximité d’elle me semble être la chose à vivre. Être enceinte, c’est revêtir ses habits de femme sauvage. Et cette femme-là, elle a une absolue nécessité, d’être en concordance avec la nature. Moi qui avais du mal à ressentir quoi que ce soit dans les derniers mois, je me laisse complètement bouleverser par les spectacles incessants que m’offrent mer et terre et vent et astres. Je sens monter en moi des pulsions créatrices comme je n’en avais pas vécue et reçues depuis très longtemps. Même si je ne réalise pas tous ces projets, le fait simplement d’en être traversé me procurer un sentiment de bien-être qui n’a aucun prix. Merci mer, merci vent, merci lune, merci les oiseaux, merci les couleurs, les sons, le mouvement, merci. Avec la nature, aucune journée ne se répète. Tout est mouvance et grandeur. J’ai l’impression à nouveau de reprendre ma place dans le monde. Place d'où je m’étais égarée.



Les changements définissent qui nous sommes et il faut nous laisser être transformé par ce qui se meut en soi et autour de soi, même si c’est vertigineux.




Je répète souvent ces mots de l’artiste Sylvie Cotton <<Tenter ce qui tente.>> et c’est ce que je fais. Je tente l’amour, je tente la maternité, je tente le risque d’exposer, je tente l’écriture, je tente mon rapport à la nature. Je tente ce qui tente. Et je reste curieuse de tout, absolument tout. Et à travers ça, j’apprends à me connaître.



Il reste une chose dont j’aimerais parler pour le moment, je ne m’éterniserais pas, car j’ai tendance à en parler à toutes les sauces et il s’agit de l’écriture des pages du matin. Un exercice proposé par Julia Cameron dans son livre-bijoux Libérez votre créativité.



L’écriture des pages du matin c’est littéralement ce qui me noue à moi depuis plusieurs années maintenant. C’est chaque jour, une manière de me dire <<je t’aime>> et de me regarder en face. Ce n’est pas de faire du beau, mais c’est de faire de l’espace pour le beau qui se présentera dans la journée. C’est vider la tête de son vieux jus pour se préparer à boire un cocktail de fruits frais. J’espère avoir la chance de poursuivre encore longtemps et en toutes circonstances, cette activité que je chéris.



Ça prend un espace, du silence, un carnet et un crayon. L’important c’est d’écrire. Et de ne surtout pas se censurer. Madame Cameron suggère d’écrire trois pages style cahier Canada. Pour moi, ça varie d’un carnet à un autre. L’important c’est d’écrire. D’écrire et d’être avec soi.

Sur ce

Bon confinement et soyez courageuses et courageux. Nous marquons présentement l’histoire, la notre et celle d’une époque.









Bisous,









Louba









P.S. C’est super ok de ne pas feeler, de pleurer sans savoir pourquoi, de se frustrer aussi et de s’emporter. Et tout ça, c’est aussi de la belle matière à création, de la grande matière à connaissance de soi.